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Numéro spécial de la revue Didactiques


LE PAYSAGE ALGÉRIEN DANS LA LITTÉRATURE ALGÉRIENNE FRANCOPHONE (1962 - 2015)


Entre mythification et démythification, déconstruction du mythe du désert dans Le privilège du Phénix de Yasmina Khadra

ZAIDI Ali
Université Mohamed Lamine Debaghine–Sétif 2

ISSN: 2253-0436 | Dépôt Légal: 2460-2012

Résumé | Plan | Texte integral | Bibliographie | Notes | Citation - Téléchargement

Notre contribution s'inscrira dans l'optique d'" une réévaluation des incidences du lieu sur le système de représentations chez l'écrivain ". S'agissant de l'espace "mythique et/ou mythifié'' du Sahara qui regorge de paysages ne pouvant laisser les écrivains indifférents, l'œuvre de Yasmina Khadra présente un corpus qui se prête parfaitement à cet exercice. En effet, si l'œuvre policière nous donne à réfléchir sur l'espace de la ville, l'oeuvre fictionnelle déploie un type d'espace de magnificence : le Sahara natal, le Kerzaz dans la noble Saoura. Ses représentations, et partant ses images, auront quelque chose de particulier dans l'œuvre de l'auteur en ce sens que l'horizon d'attente est chaque fois pris à contre-pied. A titre d'exemple, là où on voit féerie et dépaysement, il est, dans l'œuvre de l'auteur, remarquable par son inhospitalité et son hostilité, qui n'ont rien de légendaire et donc de mythique. Ce serait donc à une démythification/ déconstruction de cette image d'Épinal du désert que nous assistons dans, en particulier, Le privilège du Phénix.


Mots-clé : désert - mythe - déconstruction - représentation - Khadra

تندرج مداخلتنا هذه في إطار اعادة تقييم أثر المكان في الكتابة الأدبية. نخص بالدراسة المجال الصحراوي الذي يغص بالمناظر الخلابة والمهددة في نفس الوقت الشيء الذي يوقع الكاتب في شباكها. يتجلى لنا ان الكاتب "ي.خضرا" (المنحدر من الصحراء) يولي لهذا المكان أهمية قصوى في كتاباته حيث يتغنى بجماله كما يحذر من خطورته لكن يبدو أن أسطورة الصحراء الموجهة للاستهلاك Le privilège du Phénix مازالت حاضرة. يفكك الكاتب هذا التمثل السياحي ليحذر بشديد اللهجة من هذا الامر. فنجد ان صحراء "الساورة" و"الكرزاز" لا توحيان لا بالنبل ولا بالشهامة. إن الرواية تعمل على تعرية القوالب الجاهزة المتعلقة بالصحراء.


الكلمات المفتاحية: الصحراء - الأسطورة - التفكيك - التمثيل - ياسمينة خضرا

Our contribution in this study is centered around “ a reevaluation of setting incidents on the writer's system of representations'' . The space concerns the mythic or the mythified desert in general and the Sahara in particular. In fact, a mythical space par excellence: the Sahara embraces fabulous sceneries that have often been celebrated as sublime and dark –a fact that has influenced writers to write differently and even contradictory a standpoint to reflect upon as question. We believe Yasmina Khadra's corpus is a good practice activity for this. In fact, through his detective book, Yasmina provides us with a city space; a fictional book that uses a magnificent space of a great number of marking and structured places namely the native Sahara, the Kerzaz in the noblest Saoura. Its spaces Hence these representations and different images have something in particular for the author where they often mislead the readers. For example, the representation of the Sahara is totally different in the author‘s book which looks unwelcome and hostile and which has nothing to do with the legendary and the mythical. This could be a pure demythification of deconstruction of the spinal image of the desert that we have witnessed through Yasmina's book that we shall demonstrate in a number of texts namely, The Phoenix privilege.


Keywords: desert - myth - deconstruction - representation - Khadra


    ●     Introduction.

    ●     Une mythification problématique.

    ●     De la mythification au mythe et à légende.

    ●     De la mythification à la démythification..

    ●     Orientations majeures.

    ●     De la démythification/déconstruction de cette image d'Epinal

    ●     Lecture lexico sémantique.

    ●     Les éléments naturels.

    ●     Conclusion.



Introduction

L'argumentaire du colloque ( Le paysage algérien dans la littérature algérienne francophone 1962/2015 ) [1] signale à juste titre que de " nombreuses études géocritiques et sémiologiques" ont établi ce constat selon lequel on assiste depuis un certain temps déjà, à un " changement de perspective'', voire à un "revirement", dans les rapports -considérés jusque-là comme plus qu'organiques- qu'entretiennent le paysage décrit dans le texte littéraire et l'écriture de ce même texte. Il s'ensuit " que les aspects paysagers au sein d'une œuvre quittent leur statut de simple cadre de l'univers fictionnel pour susciter de multiples interrogations sur le rôle qui leur est attribué ainsi que sur les différentes interactions qu'ils déclenchent lors du processus de l'écriture ". Cela requiert à ce titre, estiment les organisateurs, " une réévaluation des incidences du lieu sur le système de représentations chez l'écrivain ".


C'est là un des objectifs du colloque qui aura, ce faisant et en dernière instance, à " faire constater la diversité des regards et la richesse des interprétations qu'inspire le rapport paysage/écriture dans la littérature algérienne francophone d'après l'indépendance ".


Une mythification problématique

De la mythification au mythe et à légende

C'est à ce niveau que nous intervenons pour, à défaut de l'éclairer, nous interroger et réfléchir sur la perception et la représentation d'un type de paysage, le désert en l'occurrence, dans l'œuvre de l'écrivain algérien Yasmina Khadra.


Notre contribution, en s'inscrivant tout naturellement dans cette optique, jette un regard, d'abord curieux puis analytique, sur un espace emblématique dans la littérature francophone et/ou maghrébine. Il s'agit de l'espace "mythique et/ou mythifié'' du désert en général et du Sahara en particulier. En effet, beaucoup d'écrivains algériens contemporains lui ont réservé de larges pans dans leurs œuvres, à l'instar de Mouloud Mammeri (La Traversée , Plon, Paris, 1982), cité dans l'argumentaire, mais aussi de tant d'autres dont nous citerons les plus emblématiques : R. Boudjedra (Cinq fragments du désert, Édition L'Aube, 2002)1, M. Dib (Le désert sans détour, Edition Sindibad, Paris, 1992),T. Djaout (L'Invention du désert , Seuil, Paris, 1987), M. Mokkadem (Les hommes qui marchent, Ramsay, 1990 et Le siècle des sauterelles, Ramsay, 1990), etc.


Il nous semble que l'œuvre de Yasmina Khadra présente un corpus qui se prête parfaitement à cet exercice. En effet, si l'œuvre policière nous donne à réfléchir sur un espace qu'elle stigmatise à volonté et peut-être à juste titre s'agissant de l'Algérie en guerre civile ( la ville en l'occurrence), l'œuvre fictionnelle déploie un type d'espace de magnificence : il s'agit d'un certain nombre de lieux marquants et structurants dont nous citerons:


- un Sahara natal, le Kerzaz dans la noble Saoura, sécurisant par l'héritage qu'il lègue à ses enfants en guise de totem [2] et nourrissant, chez les descendants, un imaginaire et une imagination excités par une nostalgie à fleur de peau ;


- une ville d'adoption, Oran, généreuse sur les bords mais indifférente aux destins individuels et aux projets secrets que peuvent échafauder ses habitants ;


- des casernes ou écoles militaires (Ecole des Cadets de la Révolution), de corps froides et pesantes, mais à l'esprit chaleureux et compatissants.


La représentation de ces espaces, et partant leur image, aura quelque chose de particulier dans l'œuvre de Yasmina Khadra en ce sens que l'horizon d'attente est chaque fois pris à contre-pied. A titre d'exemple, là où le sens commun est enclin de voir dans les casernes des monstres à cuirasses dures et froides sur lesquelles viennent buter et se briser espoirs et projets ; elles s'avèreront des espaces de convivialité et des tremplins pour l'avenir, transcendant ainsi leur image. (Cf. L'Ecrivain).


Il en va de même pour cet espace mythique par excellence, le désert qui nourrit et féconde un imaginaire sensible et se nourrit de fantasmes et de croyances structurants. C'est ce Sahara qui hante tous ceux qui l'on connu ; le désert, comme référent et métaphore, prétexte à la réflexion mystique de la quête du Sens, qui, s'il peut garder son référentiel mythique, peut aussi, dans l'œuvre de l'auteur, surprendre par son inhospitalité et son hostilité qui n'ont rien de fabuleux, de légendaire et donc de mythique et de fantastique.


Ce serait donc à une démythification/ déconstruction de cette image d'Épinal du désert que nous assistons dans l'œuvre de Khadra et que nous essayerons de montrer dans, en particulier, Le privilège du Phénix (Alger, ENAL, 1989) sous le titre : Le désert entre mythification et démythification ou la déconstruction de cette image d'Épinal dans Le privilège du Phénix de Yasmina Khadra .


De la mythification à la démythification

Espace mythique par excellence, le Sahara regorge de paysages qui n'ont pas laissé les écrivains indifférents. C'est là que se profilent des tendances à la sublimation de ces espaces, voire des velléités de mythification. Ces lieux sont célébrés et sublimés très souvent, ils sont même honnis et noircis parfois ; en un mot, ils sont décrits de façons assez différentes, voire contradictoires, pour qu'on s'y arrête un moment pour réfléchir à la question. Car, le plus souvent, ces paysages du désert constituent une sorte d' "Image d'Épinal", dans le sens qu'a pris cette expression au fil du temps (un sens figuré qui a évolué pour désigner « une vision emphatique, traditionnelle et naïve, qui ne montre que le bon côté des choses »). [3]


En définitive, c'est une sorte d'idée reçue, de cliché et de stéréotype du Sahara qui apparaissent dans le texte littéraire. En effet, certaines mythifications exagérées, qui requièrent par conséquent démythification, ne sont pas le lot des seuls espaces sahariens.


En Algérie, et dans la littérature d'expression française, les exemples illustratifs de certains de ces lieux mythiques et ostensiblement mythifiés sont légion, tant dans le Grand Sud que par-delà l' Atlas Tellien. On pourrait citer pour le Nord du pays, pour nous limiter aux villes les plus connues, Alger (L'Imprenable et pourtant maintes fois prises [4] ; parente lointaine de La Blanche immaculée ) ; Oran (La Radieuse, dont le soleil resplendissant émet des rayons très lumineux, qui brille d'un vif éclat pour les uns et pas pour les autres) ; Constantine (Le Vieux Rocher ; la ville des Beys ou celle de Ben Badis ; la Cirta Numide ou la Capitale de la Culture Arabe ), Annaba ( La Coquette, qui croule sous la suie ), Sétif (As'dif ,La Généreuse, mère nourricière ou la Ville Rebelle et Martyre du 08 mai 1945).


S'agissant des lieux emblématiques du Grand Sud, nous citerons Biskra (La Reine des Zibans qui ne séduit plus ses sujets) ; Timimoun (La Perle du Désert aux richesses chimériques) ; Taghit ("L'Enchanterresse" désenchantée) ; Ghardaia (La Sereine, patrie des Mozabites, "un peuple de sages" ; l'oasis paisible où ... l'on s'affronte à mort), etc.


A ce propos, qui mieux que Dida Badi Ag Khammadine, anthropologue algérien de souche targuie, pour apporter un témoignage autorisé : « Les gens du Sahara ont la réputation d'être des gens paisibles, sans problèmes, sages , «s'hab elnya», dira-t-il. Il enchaînera, s'agissant des espaces d'enracinement et d'évolution des siens, en soutenant que :


Depuis l'indépendance, les gens du Nord se sont imaginés que le Sahara était un désert, rempli de scorpions et où il est difficile de vivre. Ils se sont fait une idée selon laquelle le Sahara était un espace lointain, tout juste bon pour constituer un point de passage. En aucun cas il ne pourrait, à leurs yeux, composer un fief pour l'émergence d'idées et d'émancipation . [5]


Orientations majeures

De façon générale, le lieu de l'actualisation de la fiction étant le paradigme fondateur de l'acte littéraire -en amont dans son émanation/avènement et en aval dans sa réception/réalisation-, la nature de cet espace (du déroulement de l'intrigue et de l'action) et la qualité de sa description sont révélatrices aussi bien des intentions conscientes (avouées ou tues) que des penchants même inconscients de celui qui tient la plume. Cela est encore plus symptomatique de l'univers poétique de l'auteur quand ces espaces, supports de l'intrigue, balises de la narration et véritables régisseurs de la production/création littéraire, sont des paysages mythiques ou mythifiés comme l'est le Sahara dans la littérature algérienne d'expression française.


C'est le cas qui nous préoccupe présentement chez Khadra car, si les lieux mythiques, et cela procède du lieu commun, fonctionnent comme espaces de convergence de l'intérêt pour les différents champs littéraires, les lieux mythifiés gagnent leur dimension mythique lorsque la littérature s'en saisit. En l'occurrence et à première vue, les premiers (lieux mythiques) servent l'entreprise littéraire, les seconds (lieux mythifiés) en sont servis, car la littérature qui, d'un côté, exploite l'aura des lieux mythiques en en explorant la mémoire, donne, de l'autre, une personnalité aux lieux mythifiés qu'elle déploie et sublime en produisant des discours qui les rendent (ou qui sont censés les rendre) éternellement présents à l'esprit des lecteurs, leur parlant et les interpellant toujours.


Qu'en est-il du désert en général et du Sahara en particulier ?


"Et les grands déserts du monde, le Sahara, le Kahalari, le Gobi, ceux d'Arabie, de Perse et d'Australie, le grand désert américain enfin, offrent leurs vallées mortelles et leur solitude dangereuse à ceux qui savent que l'esprit languit dans la sécurité et vit de privations. Sur ces terres étranges la vie tire une soudaine noblesse du danger et du dénuement ". A. Camus


Qu'est-ce que le désert ?


Tu sais ce que c'est que le Tanezrouft , le plateau par excellence, le pays abandonné, inhabitable, la contrée de la soif et de la faim .
Pierre Benoît, l'Atlantide, XIX, p294


D'abord, et pour recentrer sur cet espace dans notre corpus de référence et, par voie de conséquence, dans notre corpus d'analyse, le roman de Khadra Le privilège du Phénix, essayons de circonscrire ce à quoi pouvait renvoyer cette notion de désert ?


«Etymologiquement, le mot « désert » vient du latin classique deserta, bas latin «desertum», signifiant un lieu inhabité, lieu abandonné par l'homme. Un désert est donc un lieu « déserté». Sahara (le plus grand des déserts) lui-même a cette signification en arabe », nous dit Armelle Choplin. [6] D'ailleurs, il est couramment appelé, comme pour insister sur cette signification, (lekh'la el khali), littéralement, " le désert déserté". Le dictionnaire "Le Petit Larousse " en couleurs, 1985, nous donne à lire ce qui suit en page 166 :


C'est une région caractérisée par une grande sécheresse ou par une température moyenne très basse entraînant la pauvreté extrême de la végétation et une très grande faiblesse de peuplement. Le désert est ainsi une zone inhabitée, très sèche, aride où de brusques variations de température sont présentes. Donc, la nature et par conséquent la nourriture ne peuvent exister dans ce lieu aride.


Pour l'essentiel, les dictionnaires insistent sur la stérilité de la terre du fait de la faiblesse des précipitations et partant de la rareté de la faune et de la flore. Ainsi, dans le désert, si la vie peut être possible, les conditions sont hostiles et l'environnement extrême.


Aussi paradoxal, constatons-nous, le désert parait dans ses meilleurs atours dans littérature algérienne de langue française, semblable et conformément en cela à l'image qu'on en entretient dans la littérature en général. C'est ce qu'on a appelé cette Image d'Epinal, c'est-à-dire celle fantasmée par ceux-là même (parmi les écrivains et les lecteurs) à qui cette image a été suggérée, si elle ne leur est pas imposée, par un imaginaire social conforme au champ culturel dominant, selon l'expression de Bourdieu.


Parce que participant de deux cultures (arabo-musulmane et judéo-chrétienne), les écrivains algériens de langue française voient leur image du désert fortement imprégnée de religiosité : l'errance et, pouvait-on dire, la "traversée du désert" des trois prophètes monothéistes en est pour beaucoup. Ils sont aussi enclins à un certain exotisme, qu'on pourrait qualifier de nostalgique, qui leur ferait voir ou sentir ses espaces désertiques comme patrimoine culturel (immatériel) de leurs ancêtres.


Tout cela participe à la forge, dans les œuvres des écrivains algériens de langue française, d'une Image d'Epinal du Sahara, le plus grand désert du monde, le leur. Il s'en suit fatalement, et c'est à peine exagéré, un discours littéraire qui le disputerait à celui des dépliants touristiques : le discours publicitaire. On lira dans les deux discours, indifféremment, que le Sahara est " l'un des plus beaux déserts du monde". Il est très particulier en cela qu'il n'est "ni plat, ni monotone". En plus d'offrir " des paysages multiples et changeants", il exerce sur le lecteur-voyageur " une puissante fascination par la divinité et la majesté de ses lieux ". On apprendra, sans avoir à le demander, que c'est le domaine des "tribus nomades de Berbères mêlés de sang africain", les "Touaregs, ces hommes bleus", à l'allure altière, " qui sillonnent le désert en méhari". Les voyagistes, en effet, élaborent des spots publicitaires qui mettent en avant des qualités, et partant des effets, recherchées par les adeptes de randonnées parmi les touristes. Voilà ce qu'on peut lire sur un dépliant d'une agence de voyage louant la splendeur du Sahara algérien,


La Saoura en l'occurrence, espace qui s'avère être celui-là même où Yasmina Khadra situe l'action de son roman, Le Privilège du phénix :


Grande vallée façonnée par l'oued éponyme, la Saoura est limitée au nord par les monts des Ksour et le haut Atlas marocain, à l'ouest par l'hamada du Drâa, à l'est par les oasis du Tidikelt et au sud par le plateau du Tanezrouft. Un décor fait de paysages lunaires de la hamada du Guir contraste, sur l'autre rive, avec les splendides dunes dorées du grand Erg Occidental. Palmeraies et ksour (Igli, Béni Abbes, El Ouata, Béni Ikhlef, Kerzaz, Ouled Khoudir et Ksabi) ; se succèdent le long des oueds.


De la démythification / déconstruction de cette image d'Epinal

Sous la plume de Yasmina Khadra, ces paysages ne se contentent pas seulement de se déployer sous le ou les regards curieux, amusés ou même catastrophés. Ils sont tels qu'ils signifient, à ces obnubilés par ce paradisiaque chimérique, leur incapacité structurelle à être en juste intelligence avec cette réalité qui n'a jamais été pour eux que livresque : la réalité sahraoui, c'est à dire le désert, non pas tel qu'ils y étaient en songe, mais tel qu'il est.


Pourtant, Khadra faisant corps avec ses compères écrivains, ne cachait pas, dans son œuvre romanesque, son attachement indéfectible à ce désert (natal) malgré son hostilité avérée et évidente pour lui. Il le dira avec clarté et panache dans toute son œuvre, même dans celle policière qui, à première vue, ne s'y prête pas. Il n'avait de cesse de le mentionner depuis ses premières nouvelles et jusque dans ses œuvres où l'action est située hors de l'Algérie : on le vérifiera facilement aussi bien dansLes hirondelles de Kaboul que dans Les Sirènes de Baghdad. A titre d'exemple, on peut lire et vérifier, dans son tout premier recueil de nouvelles, La fille du pont (Alger, ENAL, 1985), cette rigueur réaliste et cet attachement aveugle à "son espace vital" :


"Partout autour de nous, se nécrosait la terre morte du désert sur laquelle rebondissaient de solides rayons de soleil. Les rochers poignardaient le ciel. Les dunes de sable sommeillaient au loin jusqu'aux prochaines tempêtes, guettant, entre deux tornades, le passage du sirocco.
Pourtant, ce lopin d'aridité nous pénétrait profondément au premier regard. Nous l'adorions. Chacune de ses pierres nous enchantait. Et même si la nature l'avait sévèrement dépouillé, nous y discernions d'autres splendeurs, plus lancinantes, plus attrayantes, qui germaient au fond de nous chaque jour davantage. " La fille du pont,Ez-Zawech (l'oiseau)
, p. 109


Le désert, ici le Kerzaz dans la noble Saoura, ne serait pas un simple décor de l'action romanesque ; il jouerait un autre rôle, éminemment structurant et correcteur de la vision erronée et très répandue parmi les lecteurs d'un paysage "carte-postale" : un paysage plat et figé, en tout cas une vision stéréotypée en ce sens qu'elle n'évoque aucunement son aspect sensoriel, voire offensif. N'est-elle pas (la Saoura) limitrophe du Tanezrouft à propos de quoi Pierre Benoît a eu, dans "l'Atlantide", ce mot à l'attention de son lecteur : "Tu sais ce que c'est que le Tanezrouft , le plateau par excellence, le pays abandonné, inhabitable, la contrée de la soif et de la faim " ?


C'est dans cette optique que s'inscrit le discours de l'auteur, en particulier dans ce roman, Le privilège du Phénix, où ni le désert du Sahara ni ses nombreux paysages ne trouvent grâce à ses yeux. Aucun attribut favorable n'est accordée à ces espaces sahariens, aucun bon sentiment n'avait été éprouvé à son égard tant par l'auteur que par ses personnages. Mieux, les rôles qui ont été attribués à ces espaces, loin de susciter une adhésion ou de l'intérêt chez les personnages et chez les lecteurs, les affectent au plus haut degré. Pour ce faire, l'auteur déploie toute une rhétorique de l'écriture du désert qui rompt avec les sentiers battus de la littérature coloniale exotique, ou celle faussement ethnographique. Il y met du sien pour contrer une imâmologie superficielle mais qui avait déteint aussi sur un lectorat national, pris au piège de ses lectures naïves, à son sens.


Les incidences de cette configuration des lieux et autres espaces désertiques sur le système de représentations chez l'écrivain sont telles qu'on est en droit de soupçonner des velléités coercitives, du moins un message évident, de la part de l'auteur, révélant son positionnement et sa claire volonté d'intervenir dans le champ des représentations sociales. De fait, au plan discursif, il est manifeste un rapport d'autorité qu'exerce l'instance auctoriale sur celle de réception en vue de corriger cette habitude de lecture passive, voire paresseuse.


Notre thèse est que, à l'instar de ces célèbres rebellions de Gide et de Nizan, Khadra ne tenait pas à réprimer cette révolte qui naissait en lieu et qui le pressait, quitte à nager à contre-courant, à s'inscrire en faux contre un discours stéréotypé au sujet de la représentation du désert. Ne serait-ce que le temps ou l'intermède de ce roman.


Pareil à ce cri de déception et de révolte de André Gide (Les nourritures terrestres, 1897) à la face de sa/la famille ("Famille je vous hais"), et dans la logique de cet (dé) aveu de désabusé de Paul Nizan (Aden Arabie, 1931) à la face du monde (" J'avais 20 ans, je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie "), Khadra dirait, à bien lire Le privilège du Phénix, (" Je suis Sahraoui et je ne laisserai personne dire qu'il y fait mieux vivre "). Il partirait du principe, énoncé par Jacques Le Goff, selon lequel « moins il y a de "savoir concret" dans une culture, plus il y a d'imaginaire, plus les stéréotypes occupent un terrain entrevu, soupçonné, où la place précisément est libre pour l'imagination ». [7]


Khadra se sentirait investi de cette mission de re-mettre les pendules à l'heure... de la vérité du terrain.


Lecture lexico sémantique

Un relevé, même non exhaustif, des champs lexical et sémantique du désert -de la nature, du type et de la teneur tels que voulus par l'auteur- fait apparaître des tendances de fond. L'auteur voudrait bien que son lecteur se départisse d'une vision éculée et décalée du désert pour réaliser physiologiquement (grâce aux éléments naturels) la véritable réalité de ces espaces qu'on chanterait volontiers mais où on ne voulait ou ne pouvait pas vivre, quand bien même on le voudrait. On pourrait se poser la question de savoir pourquoi Yasmina Khadra donne-t-il cette image négative du Sahara, lui le natif, dont les personnages du roman sont, ou " descendants du Rif"', ou " fils de Rokaya, Reine de toutes les plaines de l'Abadallah jusque par-delà Jorf Torba ", qui s'en vantait expressément dans ses autres romans dont Ce que le jour doit à la nuit ?


Partant de ces considérations biographiques particulière à l'auteur et de l'horizon d'attente en générale, son lecteur ne peut-être que pris à contre-pied en lisant Le Privilège du Phénix.


Les éléments naturels

Ce que, traditionnellement, on nommait les quatre éléments naturels (que sont l'Air, la Terre, l'Eau et le Feu) sont très récurrents dans Le Privilège du Phénix, de l'incipit à l'excipit.


Expliqué schématiquement, il s'agirait d'une hypothèse qui considère que tout matériau est une composition, un dosage de ces quatre éléments. Il en découle, selon la dominante, le caractère principal de ce matériau (qui peut-être chaud ou froid, sec ou humide ou autre, selon les proportions). Ce que ces éléments dénotent d'abord, et ce qu'ils peuvent connoter s'agissant d'un texte littéraire, sont révélateurs de ce que l'auteur, qui (se) représente les paysages du désert sous leur mauvais jour, veut nous le faire admettre (nous ses lecteurs) et nous convertir à son idée et sa conviction à ce sujet. Ainsi,


1 - L'Air est maléfique : c'est essentiellement du vent chaud et sec (sirocco) qui dessèche et arrache une végétation, très rare au demeurant.


2 – La Terre est martyrisée, si elle n'est pas martyre tout court : elle meurt et se craquelle en roches et en sable sous les coups de boutoir (sous le dard) du soleil ; c'est le symbole de la mort du cimetière : une nécropole.


3 – L'Eau est une chimère : c'est une sorte d'Arlésienne qui se fait désirer ; elle est inexistante tout bonnement ; elle est absente du territoire et ne se manifeste que sous forme de mirage.


4 – Le Feu est omniprésent, voire envahissant : il règne en maître sur ces contrées que rien ne lui dispute ; il étouffe l'atmosphère avant de l'incendier.


La conjugaison de la somme des maléfices causés par ces éléments sur et dans cet espace (le désert) fait, fatalement, que la nature meurt, la faune et la flore se raréfiant et tendent à disparaître, et qu'orphelin de cette couverture végétale vitale, l'Homme est la plus grande victime, si ce n'est la véritable cible de cette damnation. Un relevé non exhaustif du champ lexical (dénotatif) du thème du désert, et de son champ sémantique (connotatif), fait apparaître une volonté de l'auteur de détruire ce mythe du désert envoûtant, ensorcelant, propice à la méditation. Même si cela pouvait constituer une face de la médaille, l'auteur semble s'entêter à l'éluder pour n'accorder de crédit qu'à l'autre face, la seule qui compte pour lui dans ce roman : le désert hostile, voire invivable, morbide.


Si on lit, ces énoncés récurrents dans ce roman, on constatera cette morbidité et on ne sera que plus édifié que non seulement il ne fait pas bon vivre dans le désert, mais qu'il était impossible (c'est à peine exagéré) d'y vivre. Nous relevons d'abord les noms qui renvoient et dénotent ces paysages et leurs constituants, que nous faisons suivre de verbes (tous du même registre) ou de compléments (caractérisation) que l'auteur a utilisé pour rendre évidente ses images du désert, sa représentation particulière. Nous citerons ci-après, certains noms et leurs caractérisations, relevés du roman, que nous avons essayé d'agencer en phrases et qui donnent ces énoncés révélateurs de l'intention discursive de l'auteur : (en italique les mots et expressions tirés du texte du roman).


1. Le désert du Kerzaz dégage un air sinistre. Il est constitué de reg, d'erg stériles et de champ de rocaille, de rochers, de galets. On y est confronté à des rideaux très opaques de grains de sable, de pierres et de pierraille de tout calibre. Ses rivières sont mortes et sèches, ses chemins escarpés sont, ou poussiéreux ou rocailleux et impénétrables.


2. Son climat est apocalyptique, c'est une fournaise : il y règne un énorme soleil très féroce et une chaleur torride. Des tornades impitoyables s'y déclarent très souvent et l'on entend siffler le sirocco. Le vent peut être tellement violent qu'il enclenche des salves de pierres et de fragments de roches.


3. Dans ce désert, on est sur le qui-vive et constamment sur ses gardes si on ne veut pas être la cible de ces salves de pierraille que les vents hostiles, tels des fantômes effrénés peuvent vous en cribler. Tel un air musique militaire, on entend nettement crépiter des rafales de débris dont on est jamais à l'abri.


4. La nature y est moribonde : l'eau, ce principe vital, se fait désirer. Il en résulte que les rivières sontmortes, les torrents charrient des gravas, les tempêtes sont de sable, les nuages de poussière. Et champ de rocaille. C'est ce qui explique que lavégétation soit maigre et rare et que les buissons qu'on pouvait entrevoir soient des mirages.


5. Quant à la faune, pour exotique qu'elle peut-être, elle n'est en aucun cas commode, ni à voir, ni à entendre, encore moins à fréquenter. D'ailleurs, elle se manifeste très rarement et n'est visible que pour un œil exercé. C'est le cas des lézards passés maîtres en camouflage, des scorpions à l'affût,dard en avant et des vipères à cornes à la poursuite de souris.


6. Plus familiers, des corbeaux, ensolitaire ou en couple, tournoient dans le ciel,poussent des croissements horribles ; deschacals affamés poursuivant quelqueschiens aux poils hérissés, qui hurlent de terreur ; des bourriques aux flancs qui saignent, des ânes qui braient, des dromadaires qui apparaissentde nulle part comme des fantômes, ou leurs carcasses que dévorent des hyènes voraces.


Si les substantifs et les caractérisations plantent le décor, on ne plus lugubre, dans ce désert Nécropole, les verbes utilisés par l'auteur pour animer l'action qui devait s'y dérouler réfèrent nettement à une guerre qu'on devrait y livrer si on tient à la vie. Qu'il soit dit en passant, que cette caractéristique rhétorique est très récurrente dans l'œuvre et l'écriture de Yasmina Khadra (déformation professionnelle oblige). [8]


Les personnages du roman, Le privilège du Phénix, l'aventurier Flen et son compagnon Llaz, participent aux péripéties plus en victimes qui subissent les impacts de l'action qu'en véritables agents, lesquels sont le désert, en personnage principal actant et tous ses adjuvants que sont les éléments naturels. En effet, les personnages humains, ainsi que la faune et la flore, doivent batailler ferme pour exister ; ils doivent livrer duel à ce mastodonteimpitoyable, tel David contre Goliath. S'ilss'aventurent dans ce désert, ils doivent se préparer à affronter ses éléments (soleil, chaleur, vent, sirocco, etc.) qui soufflent fort, qui tornadent même (verbe utilisé par l'auteur) et vont jusqu'à tout brûler et incendier. En vainqueurs insatiables, ils torturent leurs vis-à-vis et leur infligent les pires supplices : ilscognent, écrasent leurs victimes (tout ce qui s'y aventure), lesécartèlent, les molestent et finissent par les buter, les "rafaler" en les criblant de balles, pour voir leur sans gicler, et éclabousser tout autour.


Conclusion

Ainsi nommés et caractérisés, le désert, ses espaces et ses constituants, loin d'inspirer quiétude et sérénité, révèlent au grand jour la désolation de ces paysages apocalyptiques, en proie à cette fournaise et que dévore un Grand Incendie. En définitive, c'est simplement un cimetière, voire une nécropole, en un mot c'est la fin de l'univers. L'action qui s'y déroule ou qui puisse se dérouler, ne peut être que fatale à tout aventurier qui s'y hasarde. Les humains sont particulièrement ciblés qui laisseront leur peau, sans rémission. Même la faune et la flore, moins offensives que les humains qui pourraient attenter à l'équilibre écologique de ces espaces, sont attaquées et mises à mort. A tout, une véritable guerre est déclarée pour les tenir loin des territoires sahariens, à la souveraineté inaliénable.


Tout cela, ajouté à la véhémence avec laquelle l'auteur s'y prend pour le dire, confirme, si besoin est encore, que Khadra s'emploie à déconstruire cette image d'Épinal qu'il soupçonne écrivains (naïfs ou non avertis) et publicitaires (intéressés) en train d'entretenir.




 BOUVET, Rachel, Essai sur l'imaginaire du désert, XYZ éditeur, collection Documents, Montréal – 2006


 DURAND, Gilbert. 1987, Le Mythe et le Mythique. Paris : Albin Michel S.A., Colloque de Cerisy, coll. « Cahiers de l'Hermétisme ».


 ELIADE, Mircea. 1983. Aspects du mythe. Paris : Gallimard, coll. « Idées ».


 LE GOFF, Jacques, préface de L'Occident et l'Afrique (13 ème-15ème siècle), de François de Medeiros ; Paris, éd. Karthala, 1985, p.8


 GUYARD, Marius-François, La Littérature comparée, Presses Universitaires de France, 1951, Avant-propos de Jean-Marie Carré.


 KRYSINSKI, Wladimir. 2000. « Don Juan mis à nu par ses scripteurs même ». Le mythe en littérature. Essais en hommage à Pierre Brunel. Paris: puf, écriture.


Thèses



 1. HACHANI, Louisa, Étude comparative de la condition féminine dans la littérature maghrébine et la littérature négro-africaine Un exemple d'étude: L'incendie de M. Dib etLes bouts de bois de Dieu de Sembene Ousmane, Mémoire de Magister en Sciences des textes littéraires, Sous la direction du Dr Rachid Raïssi M. Conférences, Univ. Ouargla. Université Kasdi Merbah de Ourgla, Faculté des lettres et Sciences Humaines, -bu.univ-ouargla.dz/Louisa_Hachani.pdf, p.24


 2. ZAIDI, Ali, Espaces autobiographiques et interférence générique dans l'oeuvre de Yasmina KHADRA ; Une écriture en "ombre chinoise" ou la mise en abyme de soi , Thèse de doctorat en Science, Option Sciences du Texte Littéraire, Université Alger 2, 2006-2014, Sous la direction du Professeure Afifa BERERHI, Université Alger 2 et du Professeur émérite Jean-Pierre CASTELLANI, Université Tours – France.


Colloques et Articles



  1. Le désert, un espace paradoxal: actes du colloque de l'Université de Metz, 13-15/09/200


  2. Lieux mythiques ou mythifiés et production/création littéraire, Colloque international organisé par l'Université de Sétif, Département de Français de la Faculté des Lettres et des Langues, sous la Direction du Professeur Afifa Bererhi, les 10-11/11/2010





 [1] Université Dr. Yahia FARES, 20et 21 avril 2015


 [2] Rachid Boudjedra, Cinq fragments du désert, Édition L'Aube, 2002 (œuvre conjointe de Rachid Boudjedra, du plasticien Rachid Koraïchi et du traducteur Hakim Miloud) . Comme pour ces nations autochtones de la côte du Pacifique, où le totem constitue un testament à l'endroit des ancêtres d'un clan familial (...) dépeignant sa dignité et ses réalisations, ainsi ses droits et ses privilèges.


 [3] Dictionnaire électronique des termes littéraires


 [4] Il y a deux siècles, le 17 juin 1815, une imposante armada américaine détruisait le vaisseau du plus célèbre corsaire de l'époque, Raïs Hamidou, et sonnait le glas de la légendaire invincibilité de la ville d'El Djazaïr et de toute la Régence d'Alger. Cette défaite « acheva le mythe d'El Djazaïr El Mahroussa. La Régence ainsi affaiblie et minée de l'intérieur constitua une proie idéale pour les milieux d'affaires et autres français qui procédèrent au blocus d'Alger en 1827 pour aboutir à la chute de la Régence en 1830 », dira l'essayiste Nouredine Smaïl (www.aps.dz). "Cuissante défaite de la Régence d'Alger", in El Watan du 17/16/2015, p.2


 [5] « Le Sahara est un espace d'émergence d'idées et d'émancipation », Dida Badi Ag Khammadine (Ecrivain, anthropologue et chercheur algérien spécialisé dans le monde touareg), entretien avec Amel Blidi, El-Watan du 26.03.15


 [6] Armelle Choplin, Des déserts d'hommes ? Approche géographique d'un milieu dit hostile, Journée désert du 19/10/09, Université Lyon 2


 [7] Jacques Le Goff, préface de L'Occident et l'Afrique (13 ème-15ème siècle), de François de Medeiros ; Paris, éd. Karthala, 1985, p.8


 [8] Ali ZAIDI, Espaces autobiographiques et interférence générique dans l'œuvre de Yasmina KHADRA , Thèse de doctorat, Sous la direction de Afifa Bererhi et de Jean-Pierre Castellani, Université ALGER 2, 2006-2014



Pour citer cet article:

Ali ZAIDI, « Entre mythification et démythification, déconstruction du mythe du désert dans Le privilège du Phénix de Yasmina Khadra», Didactiques N°10 actes du colloque « Le Paysage Algérien Dans La Littérature Algérienne Francophone (1962 - 2015) » juillet – décembre 2016, http://www.univ-medea.dz/ /ldlt/revue.html, pp.86-105




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