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Numéro spécial de la revue Didactiques


LE PAYSAGE ALGÉRIEN DANS LA LITTÉRATURE ALGÉRIENNE FRANCOPHONE (1962 - 2015)


La poétique du divers dans le paysage romanesque algérien actuel. Casde quelques écrivains.

Faouzia BENDJELID
Université Oran 2

ISSN: 2253-0436 | Dépôt Légal: 2460-2012

Résumé | Plan | Texte integral | Bibliographie | Notes | Citation - Téléchargement

Les textes romanesques tels qu’ils se manifestent actuellement dans le champ littéraire algérien revêtent des dispositifs narratologiques qui relèvent de la postmodernité. Le roman contemporain fait suite à celui de la décennie 90 durant laquelle, sous le déferlement d’un terrorisme intégriste sanglant, l’écriture emprunte les voies du récit de témoignage pour dire l’indicible et l’horreur. Mais, pour pouvoir lire le paysage littéraire actuel, nous avons jugé utile de retracer dans un premier temps le processus historique du genre romanesque en Algérie puis, dans un second temps, en guise d’illustration, nous proposons une synthèse sur la diversité des stratégies d’écriture qui fondent les projets littéraires de certains auteurs ; notre choix a porté sur Salim Bachi et Bouziane Ben Achour.


Mots-clé : roman contemporain - histoire littéraire – champ littéraire - stratégies d’écriture – poétique postmoderne.

إن النصوص الروائية التي تظهر حاليا في الحقل الأدبي الجزائري تحتوي على وسائل سردية تميز فترة ما بعد الحداثة. نلاحظ أنه في فترة التسعينات مثلا كانت الكتابة الأدبية تصور في القصص الخيالية واقعا مرعبا شاهدا على الأحداث الدموية التي تسبب فيها الإرهاب الأصولي الوحشي الذي خيم على البلاد في تلك الفترة. إذن ولكي نتمكن من قراءة الإنتاج الأدبي الحالي ارتأينا بأن نبدأ بإعطاء نبذة تاريخية حول تطور الرواية الجزائرية عبر تاريخها ثم نتطرق بعد ذلك إلى تحليل استراتيجية الكتابة عند بعض الكتاب المبدعين الحاليين. ولنبين مميزات الكتابة العصرية حاليا اخترنا من بين الكتاب سليم باشي وبزيان بن عاشور.


الكلمات المفتاحية: الرواية المعاصرة - تاريخ الأدب - الحقل الأدبي - استراتيجية الكتابة - أسلوب وأنماط ما بعد الحداثة.

The novelistic texts as they currently exist in the Algerian literary field are characterized by narratological devices revealing postmodernity. The contemporary novel follows the one of the 90s during which, under the surge of a bloody fundamentalist terrorism, writing borrows the paths of narrative testimony to highlight the inexpressible and the horror. But to read the current literary scene, we found it useful to trace at first the historical process of the novel in Algeria and then in a second step, through illustration, we propose a synthesis on the diversity of writing strategies underpinning the literary projects of certain authors. Our choice focused on Salim Bachi, Bouziane Ben Achour


Keywords: contemporary novel - literary history - literary field - writing strategies - postmodern poetics.


    ●    L’écriture romanesque : une histoire de crises, de tensions et de ruptures

    ●        Du champ littéraire algérien et de la référentialité historique.

    ●        la première rupture : la crise identitaire.

    ●        la seconde rupture : l’éveil de la conscience nationale.

    ●        La Troisième rupture : la littérature post-coloniale (1962 à 1980) :entre continuité et rupture.

    ●        La quatrième rupture : l’écriture de l’espace tragique de la décennie 90

    ●        La cinquième rupture : « l’après urgence » ou les nouvelles scènes d’énonciation

    ●    Le paysage littéraire contemporain : poétique de la diversité et nouvelles quêtes

    ●        Un roman pour dire l’Histoire par le genre : du sens dans le passé.

    ●        Un roman de proximité sociale dans la violence du texte.

    ●        Le roman et l’universalité : « la poétique du divers » dans les fables

    ●        Réception des genres.

    ●    Cas d’études : quelques stratégies de la « poétique du divers ».

    ●        SALIM BACHI

    ●        BOUZIANE BEN ACHOUR.





Durant la période des années 90, les écrivains algériens ont produit des textes romanesques pour dénoncer le déferlement d’un terrorisme barbare et sanglant qui a lourdement secoué et déstabilisé le pays. Cette littérature s’est rapidement épanouie en prouvant l’engagement de ses auteurs face à la tragédie qui ébranle la nation. Pour la critique, elle s’apparentait au document et au témoignage. Actuellement, après plus de deux décennies, cette littérature dite de l’urgence, le roman en tant que genre offre de nouvelles modalités scripturales dans un nouveau paysage littéraire algérien recomposé, reconstitué autrement ; en effet, les formes, les contours et les contenus des productions romanesques affichent de nouvelles qualités dans l’expression poétique du genre et d’autres ambitions narratologiques et discursives. Le roman comme lieu d’expression prend un véritable tournant car en quête de nouvelles valeurs esthétiques et littéraires ; il sollicite une autre dynamique et d’autres ressorts dans un contexte historique autre ; c’est ainsi que la sphère littéraire voit l’émergence d’un foisonnement de fictions constituant un espace particulier dans le champ littéraire contemporain. Sous l’influence du contexte historique national en plein mutation et sous l’impact des effets de la mondialisation actionnée par l’évolution fulgurante des techniques de la communication numérique et des échanges satellitaires, le roman algérien présente des écrits dont les caractéristiques formelles et discursives se traduisent par une approche postmoderne du texte dont le souci premier est de faire éclater les clôtures étroitement identitaires et promouvoir de ce fait l’avènement transfrontalier de l’écriture. Le roman porte en lui les traces du transculturel, du multiculturel, de l’hybridité, de l’éclatement et de l’amalgame du genre mais si certains projets d’écriture subissent toujours le poids des codes narratifs traditionnels plus ou moins « purs ». Aussi, les procédés du renouvellement, leurs mécanismes se conformant à l’esprit moderne et à l’évolution de la pensée humaine, sont-ils des plus surprenants certes mais surtout diversifiés grâce aux rapports interactifs qui sont établis avec les différentes cultures humaines. La dimension du roman devient inévitablement universel privilégiant le règne de la discontinuité, de la désorganisation pour atteindre parfois les limites de l’écriture du chaos, du déliriel, de l’insensé, de l’opacité ou de l’absurde chez certains romanciers (Mustapha Benfodil, Djamel Mati, Chawki Ammari ...). Cette tendance à l’universalité ou écriture de la « relation » est appuyée surtout par un décentrement de l’écriture qui libère l’imaginaire et affranchit les lieux de l’énonciation et donc des normes génériques héritées de la tradition occidentale et de ses dogmes littéraires. Cette remise en cause d’un centre hégémonique, fait que le lecteur se trouve face à des fictions très souvent déroutantes, dérangeantes par leurs configurations narratives et leurs contenus car s’écrivant et s’édifiant dans un cadre culturel et civilisationnel qu’Edouard Glissant nomme le « Tout-monde ». Quelles représentations formelles et discursives offre le roman algérien de langue française dans le champ littéraire algérien d’aujourd’hui ? Comment peut-on distinguer sa spécificité mais aussi la diversité de sa poétique ? Quels outils construisent son esthétique du genre ? Pour quels discours ?Pour répondre à ces questions, nous analyserons le processus historique de la formation du roman algérien à travers son histoire traversée par des moments de crises et de ruptures dont les enjeux bouleversent ses techniques scripturales et contenus discursifs ; en guise d’illustration de ses mutations actuelles, nous donnons quelques exemples de stratégies d’écriture d’écrivains pour montrer toute la diversité du champ littéraire dont les enjeux sont tributaires de la référentialité historique : Salim Bachi et Bouziane Ben Achour, deux exemples seulement pour nous conformer aux normes d’un article.


L’écriture romanesque : une histoire de crises, de tensions et de ruptures

Le champ littéraire algérien est assujetti à la périodisation historique ; de plus, il est soumis aux influences qui lui sont endogènes et exogènes ; l’imbrication de ces facteurs contribue à la transformation du roman. L’évolution de l’Histoire d’Algérie est jalonnée par des évènements majeurs de crise et de rupture générant des enjeux spécifiques qui ont permis au roman algérien de langue française de se transformer et de s’imposer dans le renouveau ou le renouvellement de ses formes, ses mécanismes, ses stratégies d’écriture et ses discours.


Du champ littéraire algérien et de la référentialité historique

Le roman algérien de langue française a épousé les moments de crise et de tension traversés par le pays dans sa propre histoire et ce depuis son émergence qui remonte en gros aux années 30 avec l’apparition des premiers récits des précurseurs. Chaque crise engendre une rupture qui a son tour produit une esthétique particulière dans l’écriture romanesque pour inscrire à chaque fois une évolution. Tributaire de l’histoire ou de la référentialité historique, la littérature est soumise à la périodisation ; périodisation et esthétique romanesque sont dans un rapport dialectique. Chaque moment de crise, de rupture est dépendant d’enjeux particuliers dans le champ littéraire. A cela s’ajoute la place du lecteur qui constitue un horizon d’attente, une relation auteur/lecteur qui pèse de tout son poids dans l’acte de création même. Pour U. Eco, le lecteur est également inscrit, présent de façon tangible dans le corpus car « un texte veut que quelqu’un l’aide à fonctionner. » (U. Eco, 1985).


En tenant compte des multiples tensions dans l’Histoire récente du pays, il est possible de répartir latrajectoire du roman en cinq périodes de rupture qui sont autant de dates historiquesfaisant référence à un moment de crise ou de tension ; ceci crée des situations énonciatives et des procès d’énonciation où le facteur tension est déclencheur de tout une mouvance littéraire. Nous retenons les moments de rupture suivants :


la première rupture : la crise identitaire

La tendance des premiers récits produits par les premiers écrivains francophones formés par l’école française répond à un projet littéraire dont les enjeux sont idéologiques. Les auteurs algériens produisent des fictions aux intentions polémiques ; elles véhiculent un contre-discours identitaire en réponse au discours colonial tendant de justifier la colonisation dans sa production littéraire (orientalistes, algérianistes et indigénophiles). L’entreprise scripturaire des précurseurs est l’affirmation d’un discours de « désaliénation » en situation coloniale contre la politique d’assimilation des autochtones :


« Ainsi, même si les images et les mythes forgés par le colonisateur ont été renvoyés au colonisé afin de lui imposer une certaine vision de sa propre histoire et de sa propre culture, ce dernier a réussi à prendre la parole et d’objet du discours il en est devenu le sujet. La prise de parole bien que lestée des mythes et des images de l’autre a comporté un profond processus de désaliénation » (Bivona, Rosalia, (2° semestres, 2000), « L’Ecole d’Alger, une spore de la colonisation », Etudes littéraires maghrébines, n°20, Université Lyon 2, pp. 46-55.)


Les normes esthétiques dans cette écriture se manifestent dans le respect des canons traditionnels du roman hérité de la tradition française introduit en Algérie par les écrivains coloniaux et métropolitains :


Les années vingt sont marquées par l’apparition sur la scène littéraire du premier noyau d’écrivains algériens. Citons en particulier : Khodja Chukri , Bamer Slimane Ben Brahim, le Capitaine Benchérif, Boudib Sid Ahmed, Hadj Hamou Abdelkader, Ould Cheikh Mohamed (...). Chaque auteur en fonction de son style, de sa sensibilité propre et de ses attitudes politiques et idéologiques « tord » à sa manière le cadre du roman colonial pour faire apparaître plus ou moins subrepticement l’affirmation de la permanence de l’identité algérienne et de son caractère irréductib le. (A. Djeghloul, 1981, p.22)


L’émergence des premiers romans, ceux des pionniers, est née d’une grande tension opposant le discours ethnocentriste et colonocentriste du colonisateur et le discours identitaire de désaliénation du colonisé ; la binarité ou la bipolarisation colonisateur vs colonisé est transposée dans les écritures et les représentations.


la seconde rupture : l’éveil de la conscience nationale

C’est une période qui se caractérise par l’éveil de la conscience nationale chez les intellectuels colonisés qui affichent leurs premières aspirations indépendantistes dans leurs romans. C’est l’avènement d’une « littérature se combat » selon l’analyse de Franz Fanon :


Enfin dans une troisième période, dite de combat [1], après avoir tenté de se perdre dans le peuple, de se perdre avec le peuple, va au contraire secouer le peuple. [...] Il (l’intellectuel-écrivain) se transforme en éveilleur de peuple. [...] Un grand nombre d’hommes et de femmes [...] ressentent la nécessité de dire leur nation, de composer la phrase qui exprime le peuple, de se faire porte-parole d’une réalité en actes. » (F. Fanon, 2006, p.173)


Cette génération des années cinquante qui succède aux précurseurs n’abandonne pas pour autant l’affirmation de la spécificité de l’identité algérienne par la production de textes à valeur anthropologique puisant dans le patrimoine culturel, la parole ancestrale, la mémoire collective et le terroir. Cette génération des années cinquante (Kateb Yacine, Mohamed Dib, Malek Haddad, Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun) continue la lutte identitaire et n’hésite pas à verser dans le discours de la dénonciation de l’oppression de la population algérienne menée par système colonial. L’écriture se situe dans la conformité à la tradition réaliste par la majorité des écrivains. Néanmoins, et la critique littéraire est unanime la dessus, Kateb Yacine, avec Nedjma, en 1956, se défait catégoriquement des conventions réalistes de l’écriture pour produire un anti-roman avant le Nouveau Roman français. Les influences de J. Joyce, W. Flaukner, d’A. Gide et de M. Proust sont perceptibles dans ce roman atypique et hors-normes. La marque essentielle de ce projet d’écriture romanesque est d’être encore profondément marquée collectivement par la bipolarisation et l’antagonisme colonisateur vs colonisé.


La Troisième rupture : la littérature post-coloniale (1962 à 1980) :entre continuité et rupture.

Le champ littéraire acquiert une relative autonomie et ne s’inscrit plus dans la tension colonisateur vs colonisé qui n’est plus déterminante au lendemain de l’indépendance ; on entre dans le processus de l’écriture testimoniale et mémorielle dans les fictions après 132 ans de colonisation et plus de 7 années de guerre. Au plan de l’écriture, s’installent des modalités qui se situent entre continuité et rupture. Avec l’avènement de l’indépendance, le champ littéraire est totalement bouleversé par de nouveaux enjeux et impératifs socio-économiques et idéologiques qui surviennent suite au projet de la reconstruction nationale et de la modernité dans un pays souverain. L’écriture se soumet à la métamorphose de l’Historique et les écrivains fondent de nouveaux projets en conséquence car les enjeux littéraires sont autres. Les écrivains algériens produisent dans un pays affranchi de la présence coloniale où sont nées de nouvelles turbulences et cassures. Mais, dans la singularité de leurs écrits, leur engagement n’est pas des moindres car ils ont toujours su avancer avec les temps de l’Histoire et les tensions de l’évènement et du moment. Mais dans le champ littéraire algérien bouleversé par l’avènement de l’indépendance, plusieurs vont affirmer leur singularité, imposer leur poétique du texte littéraire. Nous voyons alors l’émergence d’un Sujet, d’un Je exclusif de l’auteur et tenant à marquer son individualité propre dans son écriture. Mais la réalité de la scène littéraire algérienneest complexe puisque plusieurs tendances ou projets littéraires opposés s’affrontent : il y a les des auteurs dits « iconoclastes », affranchis, transgressifs, rebelles à toute forme d’alignement poétique ou discursif alors même que dans la sphère littéraire se manifeste un courant triomphaliste au lendemain de l’indépendance et proche de l’idéologie dominante. Dans le groupe d’affranchis, s’inscrivent, entre autres, R. Boudjedra, Rachid Mimouni, Mohamed Dib, Nabil Farès, Mourad Bourboune à partir surtout des années 80. Ils introduisent le roman de la modernité et sont sous l’influence des valeurs esthétiques du Nouveau Roman en France et ailleurs dans le monde.


Cette période dans le champ littéraire est partagée entre tradition et modernité au niveau de l’écriture mais les écrivains iconoclastes s’imposent largement sur la sphère littéraire algérienne, maghrébine et mondiale.


La quatrième rupture : l’écriture de l’espace tragique de la décennie 90

L’ « écriture de l’urgence », est qualifiée par la critique littéraire comme un « retour à la référentialité » (Ch. Bonn et F. Boualit, 2002) après l’écriture des auteurs iconoclastes des années 80 et les tourments et remises en cause du sens. Sur la sphère littéraire, en Algérie et en France, apparaissent des romans, des récits de témoignage car les intellectuels, les écrivains se sentent interpellés par l’instant tragique et se décident à dire les horreurs commises par un terrorisme barbare, à dénoncer le déchainement des violences intégristes qui ensanglantent et endeuillent le pays. Cette écriture qui fait dans le témoignage et le document dans beaucoup d’écrits a été diversement appréciée ou dépréciée dans le monde de la critique littéraire. Cette « graphie de l’horreur », selon la qualification de R. Mokhtar (2002), a eu ses adeptes comme ses adversaires et a suscité des discours polémiques intenses :


Ce roman de l’urgence est diversement qualifié au plan des formes esthétiques. L’infiltration de la fiction par le référent historique immédiat, la banalisation du thème de la violence intégriste, l’intérêt commercial des maisons d’édition pour un roman à sensation font douter ou remettre en cause la qualité littéraire des textes (...). L’absence de distance par rapport à un événement peut nuire aux valeurs de la littérarité du texte fictionnel. (F. Bendjelid, 2012, p.82)


Pourtant, cette production littéraire foisonnante du tragique a mis en danger la vie des auteurs qui ont décidé de ne pas se taire [2]. Cette période voit tout particulièrement une floraison de récits réalistes ; les écrivains n’hésitent pas à s’impliquer dans un présent qui engage l’avenir du pays. Ainsi, Assia Djebar affirme-telle d’ « écrire l’Algérie qui vacille ». (A. Djebar, 1996)


La cinquième rupture : « l’après urgence » ou les nouvelles scènes d’énonciation

Le roman continue son cheminement dans un contexte historique qui voit la fin progressive du terrorisme et donc la naissance d’un état social en rupture et d’une nouvelle scénographie (D. Maingueneau, 2004, p .191-192) Au plan poétique, le texte romanesque en est affecté. Le roman se trouve confronté de nouvelles « scènes d’énonciation ». Il est non seulement ancré dans la réalité algérienne comme source d’inspiration première mais il subit l’influence des courants et sensibilités littéraires qui dominent le monde. De nouvelles esthétiques naissent, une « poétique du sens » qui est conforme à l’évolution du monde. Certains écrits romanesques font dans la variation et adoptent les structures de l’ère postmoderne caractérisée certes par le retour au référent mais aussi par l’hybridité, la fragmentation, l’hétérogénéité, la polyphonie, le dialogue des textes et le métissage des cultures. L’écriture devient également un lieu de réflexion, de recherche et d’innovation permanent. Il serait pertinent de souligner que l’esprit postmoderne universel installe le lecteur dans le procès de la communication littéraire. Voilà dit très succinctement le parcours évolutif de la littérature. Dans le champ littéraire actuel, continuité et discontinuité, tradition et modernité se côtoient dans la production littéraire


Toute cette histoire du roman passe par des mutations liées à des facteurs endogènes et exogènes aux différents champs littéraires qui ont traversé les différentes époques telles que définie plus haut. Globalement, la stratégie qui fonde l’écriture à travers son histoire est déterminée par cinq facteurs à l’origine de la production des œuvres littéraires et qui permettent leur lecture et réception :


●   le passage de la parole du colonisateur à celle du colonisé, d’objet dudiscours littéraire, le colonisé en devient le sujet. (l’émergence et période coloniale)


●   le passage d’un « nous » collectif à l’écriture du « Sujet, un « Je » singulier, autonome dansl’écriture esthétique (période post- coloniale)


●   Le passage de la binarité à la muticulturalité et postmodernité (l’ère de la « mondialité ») et donc l’acquisition d’une autonomie franche de l’écriture favorisée par le règne d’une pensée universelle éclectique, fragmentée dans un univers aux dimensions rétrécies et aux contours quasi abolies.


●   Le discours : un passage du discours de la dénonciation (acte de langage à valeur performative et idéologisée, Mimouni, Boudjedra, Farès ...) au discours métadiégétique varié et très large dont la dimension est philosophique, ontologique car posant bien souvent la question existentielle. Les personnages font usage de monologues intérieurs ; ils interrogent le monde et s’interrogent sur la condition humaine. La technique du monologue est le fait de longs voyages et errances à l’intérieur de la conscience du personnage sous l’effet de l’introspection. Bien souvent appartenant au royaume des laissés pour compte, les personnages assument des discours qui dépassent la simple dénonciation politico-idéologique. Leurs propos sont ceux des êtres connaissant un profond malaise existentiel qu’ils manifestent sous l’emprise de drogues, d’hallucinogènes, ou alors, ils sont le siège de fantasmes, de rêves ou de délires etde cauchemars. Les discours ne sont plus ceux d’une éminente confrontation politico-idéologique mais ceux d’un mal existentiel de l’Etre dont les impératifs sont ontologiques.


●   L’écriture dans le champ littéraire algérien s’est toujours répartie entre continuité et rupture ; cette dualité est d’actualité de nos jours dans les stratégies d’écriture déployées dans les écrits romanesques et les projets des écrivains.


Donc, cette écriture, dans son évolution quasi centenaire, signifie bien la part grandissante que prend la littérarité ; le long cheminement d’une quête du roman sur ses propres valeurs, une investigation sur lui-même en tant que manifestation d’un art, d’un travail sur le langage empruntant une langue étrangère à l’espace linguistique et culturel maghrébin.


Il faut de ce fait, à la lumière de ce long processus historique et ses réalités dans la vie du roman algérien, revoir les approches du texte littéraire. Les études romanesques telles qu’entreprises actuellement par le biais de certaines théories (anthropologiques, sociologiques, idéologiques) ne peuvent rendre compte à elles seules des mutations du roman algérien à travers son histoire. De ce fait, il nous semble que la critique littéraire ne peut plus se contenter des approches par le biais des études postcoloniales ou francophones qui cloisonnent le roman dans les interprétations idéologiques conçues sur l’esprit du binarisme devenue totalement suranné et dépassé par l’Histoire ou les visions discursives tenant d’une lecture réaliste des fictions mettant en avant le factuel, le document et à la limite le folklore ; il faut donc penser à aborder l’étude du texte romanesque, par sa poétique, sa littérarités, par ses nouveaux discours, son nouveau langage ; c’est dans ce sens qu’abonde Lynda Nawel Tebbani dans ses recherches sur le « nouveau roman algérien » :


La poétique est souvent l’élément le plus occultée des études sur le roman algérien tant on cherche à y lire que le réel et le factuel. Le remède serait de le lire comme une œuvre littéraire et non plus comme un manifeste politique ou sociologique à l’instar des études des romans de Boualem Sansal ou salim Bachi. Ce qui manque à la littérature algérienne contemporaine, c’est l’art . (Tebbani, Lynda Nawel. (5 novembre 2013), Ce n’est pas l’individu qui fait l’œuvre mais le roman, le Quotidien Liberté, entretien réalisé par Sarah KharfI, p.16).


Le paysage littéraire contemporain : poétique de la diversité et nouvelles quêtes

Succédant à la période de l’après urgence où il se faisait document, témoignage de la conjoncture historique du terrorisme sanguinaire des années 90, focalisant sur l’écriture du trauma et du tragique pris dans l’instantané, le roman contemporain présente des formes complètement transfigurées et aborde une ère d’écriture qui fait dans la variation, ou « la poétique du divers » d’E. Glissant.De nouvelles esthétiques, de nouvelles stratégies d’écriture les plus diverses naissent qui répondent à des temps modernes mouvementés où l’exode, l’errance, la déshérence sont la marque de fabrique de toutes les sociétés humaines ouvertes à l’échange, au partage, au contact, au dialogue facilités grandement par la force de l’évolution des sciences et des technologiques de la communication satellitaires par la numérisation. Quel panorama offrent les écrits romanesques actuellement dans la sphère littéraire algérienne ? Quelles caractéristiques présentent les romans contemporains algériens pour livrer du sens ? Comment s’affiche l’écriture en quête d’une « esthétique du sens » (R.Mokhtari, 2006, p.21)


Un roman pour dire l’Histoire par le genre : du sens dans le passé

Il est très aisé de constater que le roman algérien actuel affiche une narration qui s’érige dans un basculement continuel entre le passé et le présent. Il y a manifestement une textualisation de l’histoire qui perdure dans la majorité des textes. L’Histoire, l’historiographie constituent un soubassement important des fictions. On sent cette conscience aigue de l’écrivain de vouloir restituer et d’intégrer dans les fictions des moments historiques fondateurs de la nation et aller au fond de la conscience collective pour exhumer et ranimer du même coup l’événement méconnu, escamoté retraçant l’itinéraire de son peuple à travers le temps.


Le passé est sans cesse revisité, le factuel et le fictionnel se rejoignent pour écrire l'Histoire ; la fiction représente la confluence de la mémoire individuelle du sujet actant et celle collective de la communauté. Ce roman ancré dans l’événement historique est d’abord un désir de se réapproprier par l’écriture l’Histoire du pays, la mémoire collective qui a été gommée, méconnue, falsifiée, occultée par les idéologies à travers les multiples occupations du pays et les idéologies dominatrices. Les interrogations du passé suscitent une question légitime qui procède de la quête effrénée et passionnée de repères identifiants et édifiants ; c’est trouver du sens dans le passé. Une façon de lutter contre la culture de l’oubli.


Cette perspective mémorielle s’élargit aux apports d’un patrimoine ancestral fait de légendes, de contes, de mythes, de fables, de codes linguistiques et culturels qui façonnent l’imaginaire et définissent le Sujet-écrivain par rapport au monde et aux Autres. Ainsi, invite-on le lectorat à de nouvelles lectures. L’écrivain propose non seulement de découvrir les événements du passé mais propose également la possibilité de les relire et bien souvent cette mémoire collective est dite autrement, à la lumières des nouvelles données du monde moderne, des ambitions légitimes des nouvelles générations, celles de l’indépendance, les générations récentes qui n’ont pas vécu et connu la période coloniale ni la décennie noire. Sa valeur est testimoniale et mémorielle. Enfin, accorder une place à l’écriture/lecture de l’Histoire c’est aussi tenter de proposer bien souvent un discours démystificateur, de se défaire des écritures/lectures idéologisées qui sévissent depuis l’indépendance et enferment le passé dans les schémas ou une connaissance dogmatique de l’événement à travers les lectures stéréotypées et étriquées de l’idéologie dominante qui prennent la valeur de vérités absolues et inaliénables véhiculées par l’école et les médias.


Au demeurant, l’écriture romanesque de la référentialité historique porte en elle des enjeux dont les dimensions discursives sont d’ordre didactique, encyclopédique et discursif.


Un roman de proximité sociale dans la violence du texte

Pour dire le présent, les textes romanesques sont bien branchés sur l’actualité. L’écrivain est très sensible à la société contemporaine, à ses difficultés d’édifier la modernité, à s’introduire dans le concert des nations du monde. A cet effet, il y a tout un renouvellement de la thématique, son actualisation. Ainsi, le romancier aborde-il amplement les problèmes sociaux appartenant au présent immédiat des lecteurs à travers des thèmes comme celui des « harragas » et l’exil clandestin, de la marginalité de la jeunesse et de ceux qui sont mis au ban de la société, du terrorisme et toutes les formes de violence, de la précarité sociale, des conflits mondiaux civilisationnels et religieux, de la représentation de la femme, du multiculturalisme, de nouvelles approche de l’amour et du corps, de la vie quotidienne dans un décors de proximité, en somme il s’agit de la représentation d’un univers romanesque où les personnages appartiennent au monde que le lecteur partage avec l’auteur. Les fictions concrétisent bien souvent des parcours dysphoriques de personnages évoluant dans un contexte fictionnel où s’affrontent des projets de sociétés contradictoires, irréconciliables par les valeurs antinomiques qu’ils drainent. Dans les textes, il y a affrontements, chocs et violences. Les personnages portent les traits distinctifs de personnages marginaux, en désarroi, qui incarnent le résultat de tous ces déséquilibres et cette instabilité conflictuelle.


Cette façon de percevoir des itinéraires et des programmes narratifs expriment en grande partie la violence des formes génériques, des structures narrative, du langage et des discours assumés par les personnages vivant dans la marge.


Le roman et l’universalité : « la poétique du divers » dans les fables

Ce qui frappe le lecteur c’est la diversité et la singularité des écritures dans les fables actuelles. Les écritures se déclinent plus en stratégies d’écritures multiples relevant des spécificités de chaque créateur. L’idée de courant, de manifeste ou d’école est complètement évincée. En effet, dans les temps présents, les romanciers échafaudent des projets littéraires tout en se sachant confrontés à un genre instable, qui a été considérablement ébranlé dans ses formes et ses moules par son évolution à travers les remises en cause du roman conventionnel normatif du 19e siècle. Le roman algérien s’adapte à l’ère du temps, hérite d’une esthétique que l’on appelle la « postmodernité ». Esthétiquement, il est devenu un genre très vulnérable et soumis à toutes les excentricités de la liberté créatrice de l’écrivain ; ses mutations le rendent élastique, malléable, transformable à souhait par le déferlement débridé et les errements des imaginaires de chaque écrivain : « l’étude du roman en tant que genre littéraire présente des difficultés particulières : elles sont déterminées par la singularité du sujet : le roman est le seul genre en devenir, et encore inachevé, il se constitue sous nos yeux. » (M. Bakhtine, 1975, p.441 ). Il puise aussi bien dans l’histoire de l’espace d’origine mais aussi dans celle du monde. Il s’alimente de la culture universelle et devient transfrontalier dans son art et ses contenus. Sa matière est hétéroclite, extensible, se fait dans la diversité poétique et la pluralité des discours et s’abreuve de ressources intellectuelles, civilisationelles et culturelles qui se greffent et s’infiltrent dans son histoire, ses valeurs culturelles ancestrales et ses racines. Le roman algérien de langue française reflète son monde, se situe à l’échelle universel en s’écrivant dans l’hybridité, la disparité formelle, l’amalgame générique, la discontinuité narrative et le croisement de codes linguistiques, il est celui celui de l « ’archipélisation » de la pensée, « la poétique du divers » dont parle E. Glissant (1997) car chaque écrivain est profondément incrusté dans la dynamique de l’échange transfrontalier qui caractérise notre le siècle ; il tente alors de livrer des textes qui répondent à la mesure du temps et des attentes du lectorat, ce que Edouard Glissant appelle dans une sorte de pacte mondial, le « Tout-Monde » : « J’appelle tout-monde notre univers tel qu’il change et perdure en échangeant et, en même temps, la « vision »que nous en avons. » (1997)


C’est la poétique de « l’un et du multiple », du « rhizome », de la « relation » ; la binarité, l’essentialisme d’un centre et d’un champ culturel hégémonique n’est plus de mise dans l’écriture actuelle. Les procédures artistiques novatrices découlent de l’esprit postmoderne qui s’accomplit dans les formes langagières fracturées et l’éclectisme du genre. Dans cette innovation permanente des formes et quête incessante du sens ou des sens à transmettre aux lecteurs, le récit contemporain est qualifié au niveau de l’esthétique littéraire par Bruno Blanckeman comme étant « le récit indécidable » (2008) car décentré, sans uniformité, disparate structuralement. Ce dernier met l’accent sur l’aspect ludique de l’écriture postmoderne, la fiction tente au maximum de faire dans la dérision et la parodie ; « joueuse » (2002), elle se veut déstabilisante dans la quête de la disparité en piégeant le lecteur, abusant trop souvent de ses attentes.


Réception des genres

Le champ littéraire algérien propose un panorama très varié au niveau générique de la production littéraire. Nous pouvons évoquer, à titre d’exemple, sans prétendre, bien évidemment, à l’exhaustivité tant la production romanesque est dense et inépuisable ces trois dernières décennies : le roman autobiographique et de filiation (M. Mokeddem, Assia Djebar), les récits ou mémoires de guerre (Z.Drif, 2014), les biographies fictives de célébrités (Kamel Daoud, Hamid Grine, Salim Bachi), le roman - essai (Mohamed Magani Mustapha Benfodil), le roman fantastique et d’anticipation (Djamel Mati, Djillali Beskri), le roman d’aventures - historique- (Y Khadra, Rachid Mokhtari, Boualem, Fatima Bakhaï, Boualem, Rachid Boudjedra, Sansal), le roman de proximité ou de la précarité sociale (Bouziane Benachour, Youcef Merahi, Djemaï Abdelkader, Maïssa Bey, les romans de l’exil (Djemaï abdelkader, Rachid Mokhtari ),les écritures féminines très diversifiées, (celles de : Malika Mokkedem, Maissa Bey, Leïla Merouane, Ghania Hammadou, Nassira belloula, Latifa Benmansour, Assia Djebar, Laïla Hamoutènne, Leïla Aslaoui, Fadéla M’rabet Hassaïn-Daouadji Dalila, Rafia Mazari, ...) Ajoutons à cela le récit déliriel ou de l’absurde (Chawki Ammari, Amine Zaoui, Djamel Mati, Mustapha Benfodil ), le roman policier (Yasmina Khadra, Abed Charef, Magani Mohamed, Balhi Mohamed, Djemaï Abdelkader, Bouziane Ben Achour), l’auto-fiction (Brahimi Mourad, Y. Khadra,), le roman-essai ( Djemaï Abdelkader, Mustapha Ben Fodil, Mohamed Magani, Kamel Daoud) ...


Dans ce paysage littéraire, l’écriture du roman se répartit selon deux tendances : les écritures relevant du respect relatif des conventions romanesques traditionnelles et celles qui font état d’entorses et d’écarts narratifs, d’éclectisme de l’appareil générique ou de stratégies narratives de l’éclatement conformément à la pensée et l’esthétique postmodernes. Le règne du récit transgressif est souligné par Bakhtine qui prévoit toute l’inconstance du genre, un genre encore en devenir: « La genèse et l’évolution du genre romanesque s’accomplissent sous la pleine lumière L’Histoire. Son ossature est loin d’être ferme, et nous ne pouvons encore prévoir tous les possibles plastiques. » (M. Bakhtine, 1975)


Cas d’études : quelques stratégies de la « poétique du divers »

Plusieurs écrivains algériens actuels empruntent la mouvance du renouvellement et présentent des stratégies d’écriture diverses et diversifiées. Nous prenons quelques exemples pour illustrer « l’écriture du divers » aux stratégies élaborées dans la diversité : Salim Bachi et Bouziane Ben. Nous proposons des synthèses dans ce qui suit en considérons l’évolution de l’écriture en fonction les thèmes et des métamorphoses génériques :


SALIM BACHI

HISTOIRE, IDENTITE ET MEMOIRE


Le Chien d’Ulysse, Gallimard, coll. Folio, 2001 (parodie)


Amours et aventures de Sindbad, le Marin, Gallimard, 2010 (parodie)


Le Dernier été d’un jeune homme, éd. Barzakh, 2013(biographie romancée)


Le silence de Mahomet, Roman, Paris, éditions Gallimard, 2008 (biographie romancée)


VIOLENCE ET REVOLTE


Tuez-les tous,Gallimard, coll. nrf, 2006


Synthèse : Les récits de Salim Bachi se caractérisent par la confluence des mémoires collective etindividuelle. Les récits s’imbriquent entre narration du passé et histoire présente. Les récits sont polyphoniques avec multiplication des voix narratives et des regards sur les événements narrés. La multiplication des angles narratifs contribue à varier les discours ; le discours cesse d’être monologique et se manifeste dans le sens pluriel. Un effort de décryptage du sens et de son interprétation est demandé au lecteur. Un même objet se trouve dans l’énonciation de plusieurs instances d’énonciation tantôt concordantes tantôt discordantes. L’auteur explore et exploite des mythes littéraires universels et parodie les trajets ou portraits d’Ulysse, de Sindbad, de Dom Juan. Enfin, l’auteur multiplie les autobiographies romancées de personnalités historiques notoires (Camus, Mahomet). Pour le genre, de nombreuses entorses au code traditionnel font éclater le récit qui devient polymorphe et éclectique : plusieurs genres se côtoient dans la texture narrative : le récit mémoratif, fantasmagorique, déliriel, fantastique, biographique, autobiographique, mythique, légendaire, sacré, ...A cela s’ajoutent l’opacité de l’évènement, les chamboulements incessants de la chronologie. La fiction est investie par le discours érotique, voire pornographique du corps féminin jouissif. Une autre réalité de cette écriture de Bachi réside dans la mise en réseau de son texte avec d’autres textes, la parodie et la dérision devenant le centre d’intérêt de son édifice scriptural. Son effort de créativité passe par la technique de l’intertextualité qui s’avère très féconde dans la mise en forme de l’histoire mais aussi dans sa fonctionnalité.



BOUZIANE BEN ACHOUR

HISTOIRE, IDENTITE ET MEMOIRE


Dix années de solitude(2003), et Sentinelle oubliée (romans de proximité)


Oran, Editions Dar El Gharb, (2004),


LA MARGINALITE


Hall’aba, Oran éd. Dar El Gharb, 2007 et Mèjnoun, Oran, éd. Dar E Gharb, 2008 (roman de proximité)


Synthèse: l’une des caractéristiques de l’écriture romanesque de B. Ben Achour est d’être influencé par les procédés du théâtre puisqu’il a été et il est d’abord un dramaturge : le développement des séquences dialogales et les longs monologues sont la marque la plus prégnante. Les récits sont ancrés dans la référentialité historique ou la quotidienneté la plus banale. Le premier texte de Bouziane Ben Achour trempe dans le policier en inscrivant ses propres marques ; en effet, même si l’intrigue présente les indices formels de l’univers du polar, le texte s’inscrit dans la décennie noire qui sert de tremplin à l’histoire pour afficher un discours de dénonciation sur les dérives de la société. Ce roman policier est très proche de ceux écrits par Zahira Houfani Berfas, Djamel Dib, Kheddar Youcef, Mohamed Benayat, Yasmina Khadra, Abed Charef.


C’est ainsi que des stratégies d’écriture diversifiées s’affichent dans le champ littéraire algérien se reconnaissant dans toute une mouvance dynamique mondiale de la création romanesque. Pour M. Bakhtine, le roman « est le seul à avoir été enfanté et nourri par l’ère moderne de l’histoire universelle. » (M. Bakhtine, 1975, p. 442)


Finalement le roman, à l'échelle universelle, est un genre de plus en plus fluctuant et insaisissable dans sa poétique. Univers de l’infini, de l’inachevé, de la rupture et du ludique, le roman algérien contemporain de langue française, en situation de ruptures à travers son histoire propre, déploie des stratégies d’écriture diversifiées en proposant, selon R. Mokhtari, de nouvelles perspectives qui sont appelées à faire prospérer la fiction dans des procédures novatrices et des dispositifs narratifs et scripturaux inédits à l’ère contemporaine :


« La fiction réside dans ce renouvellement des formes d’écriture. (...) La fiction ne relève pas seulement de l’imagination, mais aussi et surtout de l’abandon des formes éculées pour défricher de nouveaux territoires sémantiques par des formes inédites de graphies (...). Les jeunes romanciers algériens des années 2000 (...) recherchent des modes d’écriture qui se jouent dans la censure (...). Ils se reconnaissent tous dans l’actualité littéraire comme des tentatives de ″rupture″ par rapport aux formes d’écriture de leurs aînés. » ( R. Mokhtari, 2000, pp. 30/34 et 188)


Dans ce contexte de mondialité où la création artistique est prise dans des réseaux de relations transfrontalières, le roman algérien n’a donc pas livré ses derniers mots, ses censures et ses ruptures pour livrer du sens.




 Bachi, Salim :


●   (2001), Le Chien d’Ulysse, Paris : Gallimard, coll. Folio


●   (2010), Amours et aventures de Sindbad, le Marin, Paris :Gallimard


●   (2013), Le Dernier été d’un jeune homme, Alger : éd. Barzakh,


●   (2008), Le silence de Mahomet, Roman, Paris / éditions Gallimard


 Bakhtine, Mikhaïl. (1975), Esthétique et théorie du roman, Paris: Gallimard


 Ben Achour, Bouziane :


●   (2003), Dix années de solitude,


●   (2004), Sentinelle oubliée, Oran : Editions Dar El Gharb


●   (2007),Hall’aba, Oran : Editions Dar El Gharb (2008), Mèjnoun, Oran : Editions Dar El Gharb


 Bendjelid, Faouzia. (2012), Le roman algérien de langue française, Alger : Chihab,


 Blanckeman, Bruno. (2002), Les fictions singulières : études sur le roman français contemporain, Paris : Prétexte Editeur, coll Critique


 Blanckeman, Bruno.(2008.),Les récits indécidables : Jean Echenoz, Hervé Guibert, Pascal Guignard,Paris : Presses Universitaires du Septemtrion, coll. Perspectives,


 Djeghloul, Abdelkader. (1981),Eléments d’histoire culturelle algérienne, Oran : coll. Patrimoine d’Algérie Actualité, OPU


 Drif, Zohra. (2013),Mémoires d’une combattante de l’ALN. Zone autonome d’Alger, Alger : Chihab


 Eco, Umberto. (1985), lector in fabula, le rôle du lecteur, Paris : Grasset et Fasquelle


 Fanon, Frantz. (2006)Les Damnés de la terre, Alger, ANEP – (1961), Paris : François Maspero (Première édition)


 Glissant, Edouard. (1997), Traité du Tout-Monde. (Poétique IV), Paris: Gallimard.


 Laghrour, Salah. (2014),Abbès Laghrour du militantisme au combat, Alger : Chihab.


 Maingueneau, Dominique. (2004),Le discours littéraire. Paratopie et scène d’énonciation, Paris :Armand Colin


 Mokhtari, Rachid :


●   (2006), Le nouveau souffle du roman algérien, essai sur la littérature des années 2000, Alger : Chihab,


●   (2002), La graphie de l’horreur, Alger : Chihab,


Revues scientifiques


 Bivona, Rosalia, (2° semestres, 2000), « L’Ecole d’Alger, une spore de la colonisation », Etudes littéraires maghrébines, n°20, Université Lyon 2


 Bonn, Charles et Boualit Farida, (2002), Paysages Littéraires Algériens des années 1990 : témoigner d’une tragédie,Etudes Littéraires Maghrébines n°14, Sous la direction de Charles Bonn et Farida Boualit, Paris, L’Harmattan,


 Djebar, Assia. (1996), Littérature n°101, citée par Farida Boualit in Bonn, Charles et Boualit Farida. (2002), Paysages Littéraires Algériens des années 1990 : témoigner d’une tragédie, Etudes Littéraires Maghrébines n°14, Sous la direction de Charles Bonn et Farida Boualit, Paris, L’Harmattan


Article de presse


 Tebbani, Lynda Nawel. (5 novembre 2013), Ce n’est pas l’individu qui fait l’œuvre mais le roman, le Quotidien Liberté, entretien réalisé par Sarah Kharfi.





[1] Littérature militante de l’engagement pour défendre la cause nationale


[2] Le silence, c’est la mort, et toi, si tu te tais, tu meurs. Et si tu parles, tu meurs. Alors dis et meurs, tel est le propos notoire de Tahar Djaout, journaliste et écrivain, face à l’intimidation et aux menaces intégristes au début des années 90 à l’encontre de l’intelligentsia et des intellectuels. Il fut l’un des premiers intellectuels francophone à être assassiné au début de la décennie noire, le 26 mai 1993 à Alger.



Pour citer cet article:

Faouzia BENDJELID, « La poétique du divers dans le paysage romanesque algérien actuel. Cas de quelques écrivains», Didactiques N°10 actes du colloque « Le Paysage Algérien Dans La Littérature Algérienne Francophone (1962 - 2015) » juillet – décembre 2016, http://www.univ-medea.dz/ /ldlt/revue.html, pp.159-181




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