Top

Numéro 09 thématique de la revue Didactiques


Littérature et enseignement/apprentissage de la langue : des relations au gré des évolutions historiques et des représentations méthodologiques


Au seuil du numéro thématique « Littérature et enseignement/apprentissage des langues », des sentiers battus, des sentiers découverts, des sentiers à découvrir...

Djamel KADIK
L.D.L.T - Université de Médéa- Algérie

ISSN: 2253-0436 | Dépôt Légal: 2460-2012

Texte integral | Notes | Citation - Téléchargement


Au seuil de ce numéro thématique de la revue Didactiques, il ne s’agit pas de pré senter les articles de nos contributeurs, mais de partager avec nos lecteurs quelques impressions en lisant les contributions de nos collègues et en réfléchissant tous azimuts sur cette relation entre la littérature et l’apprentissage/enseignement de la langue.


Il semble vrai qu’un long chemin a été parcouru, depuis la fameuse communication de Ricardou en 1975[1] dans un colloque, dans cette volonté de penser autrement l’introduction du texte littéraire en classe de langue, et de stigmatiser la dominance  du commentaire dans l’étude de la littérature en classe de langue et de littérature, commentaire qui repose surtout sur des genres considérés comme avérés : la lecture explicative, la dissertation et le commentaire composé ;et cela non seulement en français langue maternelle mais aussi à partir du niveau 3 en français langue étrangère. A l’époque, Ricardou voulait introduire l’écriture littéraire en classe de lit érature à l’université, ce qui était innovant, mais peu rassurant pour une tradition qui avait exclu depuis longtemps le fait d’écrire en classe.


Mais depuis cette communication de Ricardou, plusieurs colloques ont vu le jour pour penser autrement la relation littérature/enseignement[2]. L’ouvrage de Peytard et Autres paru en 1982 « Litté rature et classe de langue »[3] avait été considéré et est considéré depuis comme un ouvrage phare dans cette volonté de dépasser la vision traditionnaliste de l’école sur la littérature : idéaliser l’écrit littéraire, le laisser à la fin du parcours d’apprentissage ou l’instrumentaliser par des exercices de syntaxe ou d’orthographe et même de types de textes… L’introduction de la littérature n’est pas une question de niveau mais de créativité pédagogique.  La porte est alors grande ouverte pour l’introduction du texte littéraire autrement en Français langue étrangère. Pour le français langue maternelle, en parlant de la France, il fallait attendre les années 90 pour faire accepter l’écriture d’invention dans les sujets de bac mais non pas l’écriture de fiction (A. Petitjean, 2005).


Mais peut-on exclure les pratiques anciennes ? La dissertation, le commentaire existent toujours actuellement, mais ne doivent pas exclure les autres manières d’aborder l’objet littérature, telle est notre réflexion. On ne sait pas jusqu’à l’écriture de ces mots si on est dans une nouvelle ère, celle d’une rupture épistémologique nouvelle contre le Lansonisme qui avait lui-même effacé à son époque  la paradigme rhétorique dans un pays comme la France. L’histoire nous dira si on est à l’aube de ce nouveau paradigme : du sujet lecteur au sujet scripteur. 


Cette dernière idée nous oblige à digresser encore en essayant d’être au milieu juste mais non au juste milieu,  en parlant du texte littéraire prétexte à des exercices grammaticaux, notamment en FLE. Pourquoi donc excommunier une pratique qui persiste encore? En creux de cette instrumentalisation, je suppose alors que la littérarité du texte peut s’obscurcir comme elle peut émerger…On a voulu bannir cette utilisation, mais elle revient toujours. De fait, on peut seulement la modérer  et la nuancer davantage dans le parcours de l’apprenant ; en lui proposant, de lire des textes intégraux, d’écrire, et de commenter aussi. Avec ces pratiques,  l’objectif à  atteindre est l’appropriation authentique du texte littéraire. Cette critique de l’instrumentalisation du texte, ou du texte prétexte selon Peytard et Oriol-Boyer[4], est une critique juste mais il ne faut pas la voir comme une nouvelle sacralisation du texte littéraire.


Pour revenir à notre sujet d’une manière plus englobante, rappelons sans exhaustivité que des numéros et des dossiers ont été élaborés dans des revues comme, FDM, Le Français aujourd’hui[5], Repères[6], Pratiques[7], Langue Française, Recherches[8] en plus des articles dans des revues comme Enjeux  et autres,et qui ont tracé un chemin pour donner corps à cette relation d’entente, ou qui devrait être ainsi , entre le texte littéraire  et l’apprentissage de la langue. On voit très bien aujourd’hui que des didacticiens ont pris le devant de la scène en plus des précurseurs pour penser autrement la littérature en classe de langue maternelle ou étrangère,  comme Peytard, Boyer, Migeot[9], Besse, Tauveron, Daunay, Plane[10], A.-M. Petitjean, Dufays, Rouxell, Houdart-Mérot, Mongenet, Bishop  et la liste est très longue et non exhaustive.[11].


Par ailleurs, on assiste aujourd’hui à une floraison des masters de création littéraire. En France, ces masters frayent le chemin avec difficultés contrairement à d’autres pays devant le poids de la tradition. En Algérie on n’y pense même pas. Pourtant dans les pays anglo-saxons, on connait les pratiques de création depuis le début du XXème siècle[12].


Mais en Algérie, un long chemin reste à parcourir. On a par exemple supprimé la matière d’écriture créative du programme de licence. Et dans le socle commun de licence des langues étrangères, il n’y a pas de traces de ladite écriture. Il y a des thèses qui ont été soutenues en Algérie sur ce rapport entre littérature et langue, et dans la majorité des cas, personne ne les questionne pour penser en profondeur ou autrement la présence du texte littéraire en classe de langue. L’introduction de l’écriture créative dans le secondaire algérien constitue un terrain fertile pour des chercheurs.


Notre numéro thématique manifeste cette volonté pour développer davantage ces recherches qui interrogent la présence de la littérature en classe de langue, évaluent et donnent des pistes nouvelles.


Nos collègues chercheurs d’autres pays nous ont proposés leurs visions sur cette présence du texte (et de la littérature) en classe de langue. Le thème que nous avons proposé dans notre argumentaire est toujours vivant, et le texte littéraire demeure toujours ce vivier qui nous fait accéder à la langue dans toutes ses manifestations comme système, textualité, écriture, lecture, culture, texte intégrateur disait Peytard, laboratoire de langue disait Barthes…Nos collègues d’ici et d’ailleurs, ont partagé avec nous, l’espace  d’un article, leurs découvertes dans ce désir et cette volonté d’apprendre et d’enseigner autrement la littérature en classe de langue en prenant en compte l’appropriation authentique du texte littéraire par l’apprenant et en considérant le texte littéraire comme un exercice (au sens positif du terme) de découverte de la langue dans toutes ses potentialités.


Nos collègues, et contre notre argumentaire et contre Kuentz, ont pu nous révéler qu’à partir d’un extrait, l’élève pourrait aller au texte intégral, « le morceau choisi» n’est pas donc toujours à rejeter, il peut nous conduire à la source : le texte intégral. Le texte active aussi l’encyclopédie du lecteur, son horizon d’attente et le met en convivialité avec la langue. On le répète toujours, avec raison d’ailleurs, que le texte littéraire est polysémique, chaque lecture est une interprétation nouvelle, pourquoi donc laissons-nous l’apprenant en dehors de ce plaisir du texte, en dehors de cette connivence avec le texte, en dehors de cette émotion interprétative?


Plusieurs paramètres ont été abordés, on insiste par exemple sur le  rôle du texte lit éraire dans cette volonté de s’ouvrir à la culture de l’autre, l’identité culturelle se trouve relativisée et valorisée en même temps en rencontrant l’autre, il y a « moi et les autres ».


Mais bien entendu, cette confrontation avec une culture autre, ne va pas dire l’émoussement de la culture d’origine, celle-ci peut s’ouvrir aussi à d’autres horizons culturels sans se nier mais elle peut également être un déclencheur d’une interprétation autre qui enrichit un texte venu d’ailleurs.


Le numérique peut être un support pour diversifier la lecture en classe de langue dans un apprentissage captif ou autonome. La littérature peut aussi emprunter les voies de la lit(t)ératie (ou lit(t)éracie) numérique, d’autres modes de lecture et pourquoi pas d’écriture littéraire, du moins créative en parlant du lecteur apprenant.


Je laisse à nos lecteurs l’initiative pour découvrir les articles de nos contributeurs avec plaisir, je l’espère, et utilité.





 [1] Ricardou J. 1977, « Travailler autrement », inMansuy M. (Ed.), L’enseignement de la littérature (Crise et perspectives), Actes du colloque organisé par la Faculté des Lettres Modernes de Strasbourg (11-13 décembre 1975), Paris, Nathan.
Doubrovsky S., Todorov, T :, 1971, L’enseignement de la littérature, Paris, Plon

 [2]ASDIFLE (Les Cahiers de l’), 1991, Les enseignements de la littérature », Actes des 7ème rencontres, Janvier.
Le Français dans le Monde, 1988, (littérature et enseignement, la perspective du lecteur), Février-Mars

 [3] Peytard, J., et all.1982, Littérature et classe de langue (français langue étrangère). Paris, Hatier.

 [4]Oriol-Boyer C., 1990, Pour une didactique du français langue et littérature étrangères », Le Français dans le monde, novembre.

 [5]Le Français aujourd’hui, «  Enseigner l’écriture littéraire » 2006, n° : 153.juin.

 [6] Repères, 2006, « La fiction et son écriture », n°33

 Repères, 2009, «  Ecrire  avec, sur, de la littérature », n°40.

 [7]Pratiques, 2005, L’écriture d’invention », n°127-128, décembre

 [8]Recherches, « Ecriture d’invention », n°39, 2003.

 [9]Migeot F., 1995,  « Didactique du FLE et pratiques de la littérature » in Recherches et applications  (Le Français dans le Monde) juillet. Numéro consacré aux actes du colloque "La Didactique au quotidien", Toulon, septembre 94.

 [10]Dufays, J.-L., Plane, S., Dir., 2009, L’écriture de fiction en classe de français, Namur, Presses Universitaire de Namur.

  [11]CicurelF. 1999, « Littérature, Fiction, apprentissage : le mode Fictionnel du discours », Etudes de linguistique Appliquée, N° 115, Juillet-Septembre.

GrucaI. 2000, « Littérature et FLE : bilan et perspective », Les cahiers de l’Asdifle (Actes des 25ème et 26ème rencontres), N° 12, Mars.

GrucaI. 2004, « Le conte : pour le plaisir de lire, pour le plaisir d’écrire », Dialogues et Culture (Textes littéraires et enseignement du français), N° 49.

Kadik DJ., 2009, « L’apprenant reformateur. Pour une didactique de la reformation créative du texte littéraire » Enjeux n°76.

KadikDJ., 2016, «  Pour une didactique de l’altération en classe de langue à l’Université, Enjeux n°91, Hiver.

Plane S. 2006, « Médium d’écriture et écriture littéraire », Le Français Aujourd’hui, N° 153, Juin

PeytardJ. 1982, « Sémiotique du texte littéraire », Etudes de Linguistique Appliquée, N° 45, Février-Mars.

PeytardJ. 1988, « Des usages de la littérature en classe de langue », LeFrançais dans le Monde, Numéro spécial, Février-Mars

PetitjeanA. 2005, « Ecriture d’invention au lycée et acquisition de savoir et de savoir-faire », Pratiques, n° 127-128, Décembre.

Oriol-BoyerC. (Dir.) 2003, Critique génétique et didactique de la réé

criture (Travailler avec les brouillons de la réécriture, Midi-Pyrénées, CNDP.

CanvatK. 2000, « Quels savoirs pour l’enseignement de la littérature ? Réflexions et propositions » in FOURTANIER M.-J., LANGLADE G., Présentation,  Enseigner la littérature, Midi-Pyrénées/Paris, CRDP/Delagrave.

Seoud A. 1997, Pour une didactique de la littérature, Paris, Hatier.

Houdart-Merot V. Mongenot C. Dir. 2013 ; Pratiques littéraires à l’université, Paris, Champion.

 [12]Petitjean A.-M., 2013, « L’exemple américain : l’intégration du creativewritingdans les programmes universitaires aux Etats-Unis », in, Houdart-Merot V. et Mongenot C., Pratiques d’écriture à l’Université, Paris ; Champion.


Pour citer cet article:

Djamel KADIK, « Au seuil du numéro thématique « Littérature et enseignement/apprentissage des langues », des sentiers battus, des sentiers découverts, des sentiers à découvrir...», DIDACTIQUES « littérature et enseignement/apprentissage de la langue : des relations au gré des évolutions historiques et des représentations méthodologiques » N°9 Janvier-Juin 2016, [ http://www.univ-medea.dz/ldlt/enligne.html ]