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Numéro 09 thématique de la revue Didactiques


Littérature et enseignement/apprentissage de la langue : des relations au gré des évolutions historiques et des représentations méthodologiques


La lecture littéraire en mode numérique dans l’apprentissage : (Exemple des centres de ressources)

Fatma FAKHFAKH
Université de Gabès (Tunisie)

ISSN: 2253-0436 | Dépôt Légal: 2460-2012

Résumé | Plan | Texte integral | Bibliographie | Notes | Citation - Téléchargement

La compréhension écrite est l’une des quatre activités d’apprentissage définies par les auteurs du C.E.C.R., (Cadre Européen Commun de Référence, 2000, p.18). Elle s’effectue en deux temps : la lecture et le décodage du contenu textuel. Les modalités de lecture, se sont développées rapidement de nos jours surtout, avec l’avènement de l’information numérique.
Les étudiants tunisiens des départements de français ont suivi un module de perfectionnement linguistique dans les centres de ressources au cours duquel, ils ont développé leur aptitude et varié leurs stratégies en lecture de textes littéraires sur écran. On s’intéressera dans cet article, à la définition de la lecture littéraire numérique, la présentation du déroulement de l’activité de compréhension écrite dans les centres de ressources linguistiques en Tunisie, la détermination de quelques limites d’usage de la lecture sur écran tout en clôturant le travail par la présentation d'une étude de cas d'une apprenante de la troisième promotion du centre de ressources.

تعتبر كفاءة الفهم الكتابي من بين أنشطة التعلم الأربعة التي تحدث عنها مؤلفو الإطار الاروبي العام للمرجعية (2000, ص. 18) إذ ترتكز هذه الكفاءة على مرحلتين : القراءة و فك تشفير محتوى النص. لقد تطورت أساليب القراءة سريعاً في هذا العصر، خاصة بعد توغل المعلومة الرقمية. فمثلاً، يعتبر طلبة قسم الفرنسية الذين تابعوا حصص التطوير اللغوي بمراكز الموارد من الطلبة الذين طوروا قدراتهم و اعتمدوا العديد من استراتيجيات الفهم الكتابي و ذلك عند قراءتهم لنصوص أدبية عبر الشاشة. سوف نهتم في هذا المقال بتعريف ماهية القراءة الأدبية الرقمية و كيفية تداول نشاط الفهم الكتابي داخل مراكز الموارد اللغوية بالجمهورية التونسية و استخراج بعض نقائص استعمال الشاشة عند القراءة و نختتم مقالنا بتقديم دراسة حول مثال لطالبة مرسمه بالدفعة الثالثة لمراكز الموارد.


Reading comprehension is one of the four learning activities defined by the CEFR (Common European Framework of Reference for Languages, 2000, p.18). It is carried out in two stages: reading and decoding text content. Reading methods have undergone rapid development especially with the emergence of digital information.
Tunisian students of French departments have taken a language-training module in resource centers in which they developed their ability and varied their strategy by reading literary texts on screen. We will focus in this article, on the definition of digital reading, the presentation of the reading comprehension activities taking place in Tunisian language resource centers, the determination of some use limits of reading on screen while concluding the work by presenting a case study of a learning of the third class of the resource center


    ●    Introduction

    ●    1 - De la réalité du terrain à la problématique de l'apprentissage de la lecture numérique à l'université tunisienne pour les filières littéraires

    ●        1.1 - Etat des lieux : de l'apprentissage classique à l'intégration des TICE

    ●        1.2 - Mise au point contextuelle sur la genèse de lecture littéraire numérique

    ●    2 - L’écran dans l’apprentissage : Vers de nouvelles modalités de lecture

    ●        2.1 - Quels milieux didactiques de lecture littéraire sur écran ?

    ●        2.2 - Outils d'apprentissage littéraire en mode numérique

    ●        2.3 - Voie(s) de réception de littérature numérique

    ●    3 - Quelles stratégies de compréhension écrite possibles en lecture de textes littéraires ?

    ●        3.1 - Pour une définition de la compréhension écrite en contexte littéraire

    ●        3.2 - Des stratégies de lecture littéraire en mode numérique ?

    ●        3.3 - Lecture numérique littéraire et motivation des apprenants d'un Centre de Ressources.

    ●    4 - Quels limites de la lecture littéraire numérique pour les étudiants des centres de ressources ?

    ●        4.1 - La surcharge cognitive

    ●        4.2 - La paresse mentale du lecteur : vers la sous-charge cognitive

    ●        4.3 - La discontinuité de la lecture et la (dé)-construction du sens

    ●        4.4 - Les maladies psychophysiologiques

    ●    5 - La lecture littéraire en ligne à l’université tunisienne : cas des centres de ressources

    ●        5.1 - Mise en situation

    ●        5.2 - Illustration authentique : cas d'une étudiante de la troisième promotion du centre de ressources de la F.L.S.H.S. qui lit en ligne

    ●    Conclusion



Introduction

A l’heure où l’enseignement – apprentissage des langues étrangères connait des révolutions pédagogiques par l’intégration des outils didactiques d’apprentissage sur écran (TICE[1], FOAD[2], etc) et par le recours à de nouvelles pédagogies centrées sur l’apprenant (l’autoformation), l’université tunisienne a connu l’instauration d’une réforme PREFSUP (2004)[3] favorisant l’approche par compétences, l’autonomie dans l’apprentissage et l’usage des TICE. Cet article s’intéressera aux nouvelles modalités d’apprentissage de lecture pendant cette ère du numérique (contexte tunisien), à la détermination du rapport existant entre la Lecture Littéraire et la Lecture Numérique dans les centres de ressources de la Tunisie et aux limites de ces stratégies de lectures.


Alors, par quoi s’explique le recours aux TICES dans la lecture numérique ? Comment peut-on définir l’activité de lecture sur écran dans les centres de ressources ? Quelles sont les stratégies de lecture littéraire sur écran préférées par les étudiants ? Et quelles sont les limites de cette pédagogie ?



1 - De la réalité du terrain à la problématique de l'apprentissage de la lecture numérique à l'université tunisienne pour les filières littéraires 


1.1 - Etat des lieux : de l'apprentissage classique à l'intégration des TICE

La lecture numérique pour les filières littéraires en contexte tunisien est une notion qui n'a vu le jour que depuis 2004, année de la dernière réforme pédagogique universitaire ayant intégré l'approche par compétences et l'autonomie dans l'apprentissage. Pour les filières littéraires (ici on parle des étudiants de la licence fondamentale en Langue, Littérature et Civilisation française), les centres de ressources se représentent comme des milieux d'apprentissage rénovés puisque les TICE se représentent comme des outils inhérents à la réalisation des activités langagières. Les étudiants de première année par exemple, ayant été des bacheliers, qui ont suivi un parcours d'apprentissage scolaire de six ans, collégien de trois ans et lycéen de quatre ans, n'ont jamais utilisé l'écran dans l'apprentissage.



1.2 - Mise au point contextuelle sur la genèse de lecture littéraire numérique

En première année licence, les étudiants spécialistes seront face à des situations d'apprentissage nouvelles lors du module optionnel de Perfectionnement Linguistique vers l'Autoformation, et ce par l'utilisation des TICE afin améliorer leur niveau linguistique. Pour ce qui est de l'activité de lecture numérique, elle se dit innovante vu que les situations d'apprentissage classiques mènent les étudiants à lire impérativement des livres, ouvrages ou revues littéraires en version papier. On note que la durée de la séance est de quatre heures et que chaque apprenant est censé d'obtenir un objectif universitaire précis à la fin de chaque séance. La question qui se pose : est-il possible à l'apprenant de FLE, inscrit au centre de ressources, d'atteindre un objectif d'apprentissage relatif à la compétence de compréhension écrite en quatre heures tout en étant strictement obligé de lire, décoder et comprendre un document littéraire numérisé et de travailler les exercices de compréhension ou de réaliser une activité de médiation (compte rendu ou résumé par exemple) ?


Il serait intéressant et utile de répondre à cette question, et ce, après avoir illustré les différents lieux de lecture numérique, défini les notions de lecture littéraire numérique et de compréhension à l'écrit, classifié les stratégies de lecture possibles et énuméré quelques limites de l'excès de lecture littéraire sur écran.



2 - L’écran dans l’apprentissage : Vers de nouvelles modalités de lecture

Les nouvelles modalités de lecture à l’ère du numérique ont assuré une rapidité au niveau de l’accès à l’information, une prolifération des sources de réception, ainsi qu’une révolution dans la définition de l'activité de compréhension à l'écrit.



2.1 - Quels milieux didactiques de lecture littéraire sur écran ?

L’intégration des TICE dans l’apprentissage a généré, non seulement de nouvelles pédagogies d’apprentissage mais plus, elle a favorisé la création d’une infinité de méthodes de réception du savoir. Ces nouveaux moyens de communication ont participé à la naissance d’une nouvelle éducation, et surtout de nouveaux lieux de lecture. On distingue dans ce cadre :


●  Des milieux authentiques étatiques et privés qui assurent la lecture classique et numérique comme les bibliothèques, la classe et les centres de ressources

●  Des médiathèques dont les visiteurs accèdent au texte en version numérique

●  Et enfin, des milieux d'apprentissage comme la cyberclasse[4] qui permet aux apprenants de lire d’une manière collective des textes numériques.




2.2 - Outils d'apprentissage littéraire en mode numérique

Toutefois, la lecture numérique est possible par le recours à plusieurs outils technologiques d’apprentissage. On cite particulièrement :


●  Le livrel[5] : C’est un livre édité en version numérique. Il est connu par d’autres noms comme la liseuse et la tablette tactile.

●  Le cartable numérique : qui n’est qu’un ensemble de documents électroniques (vidéos, textes et exerciseurs) envoyés aux apprentis par mail. Dans le contexte scientifique et technique, quelques groupes de tutorés inscrits à l’U.V.T.[6] font recours au cartable numérique.

●  La lecture en ligne à partir d’un document à accéder sur internet.



2.3 - Voie(s) de réception de littérature numérique

On particularise dans ce cadre d’apprentissage, une pluralité de mondes ou de domaines de réception à l’écrit.


●  Le premier domaine est celui de la littérature numérique qui suppose à la fois, un auteur de l’objet littéraire, un outil d’émission sur écran et un contenu sémantique représenté par le livre électronique.

●  Le deuxième est celui des médias électroniques tels que les revues mises en ligne qui peuvent comprendre des textes littéraires.

●  Or, le troisième et dernier domaine englobe les réseaux d’apprentissage où les commentaires et les études publiés, forment parfois, des cours de littérature riches.



3 - Quelles stratégies de compréhension écrite possibles en lecture de textes littéraires ?


3.1 - Pour une définition de la compréhension écrite en contexte littéraire

Tout d’abord, la lectureest définie en tant qu’activité de décodage linguistique d’un texte écrit, contenant des informations agencées logiquement. Duda (R., 1974, p.66), distingue deux types de compréhension écrite : la compréhension connotative et la compréhension dénotative. Si on passe à la définition des élaborateurs du Dictionnaire de didactique du français, langue étrangère et seconde, la compréhension à l’écrit se définit comme « l’aptitude résultant de la mise en œuvre de processus cognitif, qui permet à l’apprenant d’accéder au sens d’un texte. », (Cuq, (J.P.), 2003, p.49).


Bien que l’activité de lecture comprenne deux étapes le décodage et la compréhension[7], Besse explique ce phénomène à travers la théorie de Gough et Tunmer qui ont distingué deux étapes de l’activité de lecture (L) : le décodage (D) et la compréhension (C).


« Pour montrer l’importance de cette distinction, signalons seulement la contribution de Gough et Tunmer (1986), pour lesquels lire peut se traduire par une équation ainsi formulée : L = D.C, équation dans laquelle la compétence en Lecture (L) est égale à la capacité de Décodage de mots (D) multipliée par la capacité de donner du sens à une information textuelle, la Compréhension (C). » (Besse, (J-M.), et al., 2009, p.34).


En lecture littéraire, le lecteur lie l’image du monde visible à l’imagination de celui qui forge le monde lisible. Cuq (J.P., 2003, p.49) affirme que :


« La lecture nous donne une compréhension indirecte du monde, ce qui, selon Ricœur, est l’une des caractéristiques du langage poétique. Les réflexions concernant un texte permettent au lecteur de diriger ses interprétations vers lui-même de conscience de soi. »


Ainsi, on distingue quelques niveaux de compétence en lecture. Cette distinction conduit à décrire comment et à travers quoi l’apprenant en autoformation accède et aborde ce type d’activité. Cette manière particulière, de chaque apprenti lecteur, n’est que sa propre stratégie de lecture. Il s’agit en effet, d’une relation directe entre le lecteur et le texte. Cette relation est en rapport avec le contenu, l’organisation et le genre textuel, d’une part et avec les habiletés du lecteur aux niveaux cognitifs, culturels, linguistiques, dialectiques et neurologiques, d’autre part.


« L’œuvre littéraire est ce qu’en fait le lecteur. Lire signifie construire. Le lecteur choisit, projette son expérience personnelle sur celle de l’œuvre, donc un sens nouveau au contenu de pensée que lui transmettent les signes. », (Gerritsen, (S.) et Raji, (T.), 1998, Paris, p.51).


Alors, quelles sont les stratégies de lecture littéraire cognitives, psychologiques et réflexives aux quelles fait recours l’apprenti-lecteur en développant la compréhension écrite ?



3.2 - Des stratégies de lecture littéraire en mode numérique ?

Le rapport lecture - texte varie selon la stratégie de lecture adoptée, le degré de la complexité de l’organisation textuelle, etc. Donc, le niveau de lecture est relatif au niveau de compétence de décodage et de compréhension chez le lecteur. Nous distinguons ces types de lecture littéraire en mode numérique :


●  La lecture littérale : L’apprenant essaie de faire la distinction entre tous les indices textuels explicites, qui gèrent le sens que véhicule le texte. Cette sélection des indices va être la condition sine qua non de la construction d’un sens cohérent. Les apprenants sont conviés à admettre une stratégie de lecture qui assure la distinction des « différents types de textes par des indices externes », la compréhension de la structure et l’organisation textuelle, etc (Becha, J., et al., 2006, p.14-15) .

●  La lecture inférentielle :Lorsqu’un lecteur procède une lecture inférentielle d’un texte littéraire, il améliore sa compétence réceptive de compréhension textuelle.

●  La lecture écrémage: C’est une lecture « qui consiste à parcourir rapidement un journal, à survoler un texte [...] (c’est un processus global/affiné) », (Fenner, (A.B.), 2002, p.4).

●  « La lecture intensive ou studieuse »: Cette stratégie de lecture est définie comme étant une stratégie qui « vise à retenir le minimum d’informations... », (Bouziri, (R.) et Jerini, M., p.241).

●  « La lecture critique »: Bouziri et Jerijni (Bouziri, (R.) et Jerijni, (M.) 2005, p.241) parlent aussi de « la lecture critique qui demande une lecture intégrale d’un document et qui s’attache aux détails. Elle peut entraîner le commentaire, l’analyse... ».


Les apprenants du Centre de Ressources n’ont pas essayé de faire cette expérience, à savoir celle de lire afin d’analyser et de critiquer. Les étudiants se contentent généralement par la lecture littérale, inférentielle ou écrémage en :


●  dégageant le genre ou le type textuel,

●  reformulant ou résumant le sens que contient le document (activité de médiation)

●  et donnant parfois, une simple impression personnelle sur le point de vue de l’auteur.



3.3 - Lecture numérique littéraire et motivation des apprenants d'un Centre de Ressources[8]

L’activité de lecture en ligne est une activité innovante dans les séances de français pour le public ciblé se déroulant pendant les séances d’autoformation et à l’intérieur d’un espace d’apprentissage motivant et riche de documents qu’est le Centre de Ressources. Les apprenants développant la compréhension écrite vont choisir chacun, un centre d’intérêt de lecture et une manière pour lire (lecture attentive sur cédérom, lecture globale en ligne, lecture à haute voix sur écran, etc.) afin de trouver la meilleure stratégie de lecture qui assure le bon déroulement de la compréhension.[9] L’activité de lecture au Centre de Ressources n’est pas une activité indépendante du progrès de l’apprenant dans le développement de plusieurs capacités et compétences autres que la compréhension écrite comme les habiletés linguistiques, culturelles, grammaticales, stylistiques, etc. La compréhension d’un texte va se définir comme une compréhension accordée à un objectif puisque l’apprenti-lecteur lit pour progresser et évaluer sa compétence.



4 - Quels limites de la lecture littéraire numérique pour les étudiants des centres de ressources ?

Beaucoup de questions se posent en s’intéressant à la question des limites de la lecture littéraire sur écran qui est un type de lecture discontinu (donc, rattachée à une partie du texte et non à sa totalité). Cette lecture, désignée numérique par les spécialistes de la psychologie cognitive, conduit le lecteur à effectuer des processus cognitifs, afin d’interpréter l’information lors de la compréhension écrite. De plus, on peut opposer la littérature numérique à la lecture numérique, puisque la littérature est tripolaire et comprend trois pôles d’interaction qui sont : auteur-texte-TICE. Cependant, la lecture numérique ne suppose pas toujours la présence d’un texte. Elle peut interpeler le ludoéducatif et l’interactif à traves les images (lecture numérique sémiotique non littéraire). Toutefois, plusieurs problèmes de santé et de pédagogie peuvent survenir.



4.1 - La surcharge cognitive

Les spécialistes en psychologie cognitive ont confirmé que la réception de l’information numérique, commande un effort cognitif plus fort que celui de la réception sur papier car le lecteur est en face d’une pluralité de couleurs, de signes lumineux, de liens hypertextuels, etc. La mémoire iconique ne peut pas envoyer tous ces éléments à la mémoire de travail qui a une surface de capacité très faible. La superposition et l’excès du nombre des documents ouverts dans plusieurs fenêtres sur internet représentent une mauvaise gestion de la charge mentale du lecteur. Ainsi, on note que l’être humain fournit un grand effort en réalisant les activités de vision, de décodage et de compréhension.



4.2 - La paresse mentale du lecteur : vers la sous-charge cognitive

Le divertissement ludoéducatif dans la lecture numérique transforme la lecture d'un texte littéraire de plus en plus, en une activité peu souple et parfois, non-constructive. Le désir d’apprendre va diminuer chez les apprenants. Ils seront, dans ce cas plus passifs, car ils changent l'objectif de lecture par un objectif de divertissement. Ce phénomène s’explique par la sous-charge cognitive qui déconcentre l'apprenti-lecteur.



4.3 - La discontinuité de la lecture et la (dé)-construction du sens

Il s’agit d’un autre phénomène mental qui surgit, au cours de l’activité excessive de lecture littéraire sur écran, au niveau du décodage. Des spécialistes opposent l’hyper-attention que nécessite la lecture numérique, à l’attention profonde que commande une lecture d’un texte littéraire en version papier. L’excès de la réception de l’information numérique a des désavantages sur la lecture qu’on effectue pendant le décodage d’un texte sur papier. Cette décontextualisation du contenu renvoie à ce qu’appellent certains spécialistes, la sélectivité de la lecture numérique. L’excès des repères textuels dégagés doit être limité par une sélection de ce qu’il doit être vraiment, lu.



4.4 - Les maladies psychophysiologiques

Certaines maladies peuvent toucher l’apprenant dépendant à la lecture de textes littéraires sur écran comme la fatigue des yeux, la drogue internet (le lecteur devient dépendant à l’écran), la fatigue au niveau du cerveau, etc.



5 - La lecture littéraire en ligne à l’université tunisienne : cas des centres de ressources


5.1 - Mise en situation

L’enseignement supérieur en Tunisie occupe une importance à cet usage des TICE car ces méthodes facilitent et simplifient les conditions d’apprentissage en limitant les contraintes de temps, de lieu et d’accès aux ressources pé dagogiques. On spécifie deux modèles possibles de lecture littéraire en ligne pour les étudiants de licence fondamentale en Langue, Littérature et civilisation française en contexte tunisien :


●  La médiathèque en ligne de l'U.V.T. permettant l’accès à des documents et cours mis à distance par les tuteurs. Actuellement, peu d’enseignants de français tunisiens font recours à cet outil d’apprentissage puisque l’université tunisienne est encore une université Classique qui favorise l’enseignement et l’évaluation en mode présentiel ;

●  La lecture numérique dans les onze centres de ressources linguistiques accessibles dans les treize départements de français tunisiens. Ces centres de ressources se sont instaurés dans le cadre du projet de réforme pédagogique francotunisien PREFSUP. Donc, les étudiants inscrits au modules de centre de ressources représentent le public cible de notre étude. On note qu’on a effectué un stage au Centre de Ressources de la F.L.S.H.S.[10] (Tunisie) en 2011[11].

●  En revanche, la lecture de l’intégralité d’une œuvre littéraire pendant une séance d’autoformation au centre de ressources est pratiquement une mission impossible puisque l’apprenant va rencontrer à la fois, ces trois situations.

●  En premier lieu, le temps consacré au module du centre de ressources est quatre heures. Elles sont insuffisantes pour lire l’intégralité d’un roman, etc. La lecture en ligne se présente comme une solution (voir les stratégies de lecture développées dans l'article).

●  En deuxième lieu, lors de la lecture, l’apprenant rencontre un nouveau vocabulaire qu’il doit expliquer. En choisissant une lecture en ligne, l’apprenant peut taper n’importe quel mot pour l’expliquer en quelques secondes en employant un dictionnaire ou une encyclopédie en ligne.

●  Et en dernier lieu, il y a le problème de la motivation. Pour certains étudiants, la lecture sur écran est plus motivante que la lecture d’un roman sur papier pendant quatre heures, puisqu'elle est illustrée et accompagnée parfois d’un glossaire électronique. L’étudiant peut choisir facilement les chapitres qu’il veut lire en tapant un mot clé.


La lecture sur écran peut facilement résoudre ces problèmes que rencontre l’apprenant. Cette lecture est plus élitiste et adéquate aux besoins d’apprentissage. Les TICE facilitent le rythme de la lecture grâce à une multiplicité d’options (liens-hypertexte, cites favoris enregistrés, mots clés, modification de la taille de la police, etc). On ajoute que l’internet permet au lecteur d’accéder à des documents indisponibles aux bibliothèques des facultés des lettres (les revues de littérature et de langue, les thèses et les articles publiés et les livres électroniques ne sont abordables que par l’accès à l’internet). On met le point sur le fait qu’il y a aux centres de ressources des apprenants qui découvrent pour la première fois de leur vie l’ordinateur vu qu’une partie importante des étudiants viennent d’un milieu rural où les réseaux internet sont peu disponibles ou accessibles. Les centres de ressources ne seront plus un simple espace de lecture mais encore, ils sont devenus un milieu téléinformatique des apprenants au cœur de leur université. La situation de quelques jeunes du monde arabe et leur rapport avec l’internet est mise en relief dans un article extrait de la revue Le Français dans le Monde. Dominique Desaunay (Bilguidda, D., 2010, p. 28) explique que :


« Comme partout, le Monde arabe s’est mis à l’heure au web 2.0, avec l’utilisation de vidéo, son, blogs, réseaux sociaux de types Facebook, et même de l’internet mobile. « Cela concerne majoritairement une population jeune et aisée, disposant d’une connexion à domicile [...] »



5.2. Illustration authentique : cas d'une étudiante de la troisième promotion du centre de ressources de la F.L.S.H.S. qui lit en ligne

Notre question posée au début de cet article est la suivante : est-il possible à l'apprenant de FLE, inscrit au centre de ressources, d'atteindre un objectif d'apprentissage relatif à la compétence de compréhension écrite en quatre heures tout en étant strictement obligé de lire, décoder et comprendre un document littéraire numéralisé et de travailler les exercices de compréhension ou de réaliser une activité de médiation (compte rendu ou résumé par exemple) ?


On mentionne d'abord, que 11 étudiants sur 20 inscrits en ce module de Perfectionnement Linguistique vers l'Autoformation ont développé la compétence de compréhension écrite et que 5 étudiants sur 11 ont choisi d'atteindre un objectif universitaire de lecture littéraire sur écran.


Nous tenons le cas d'une apprenante[12] qu'on a suivi le progrès lors du stage au centre de ressources de la F.L.S.H.S. lors de l'année universitaire 2010-2011 afin de vérifier si l'obtention d'un objectif d'apprentissage de lecture numérique littéraire est possible au cours d'une seule séance. Elle a préféré de faire stratégie de lecture balayage en consultant l'Avare de Molière en ligne et ce, dans le but de synthétiser le contenu textuel. Dans sa synthèse de lecture de la pièce de L’Avare de Molière. Cette apprenante a présenté dans ses traces écrites (son journal de bord) une représentation allégorique tripolaire entre le contenu de la pièce et la réalité sociale. Ces trois relations sont, le caractère d’Harpagon vs le phénomène social de l’avarice, la relation d’Harpagon avec son fils vs le phénomène de la froideur sentimentale et affective entre les parents et leurs enfants et l’irrespect entre Harpagon et son servant, qui l’a volé, vs l’irrespect et la bassesse morale dans le cadre des relations professionnelles. On remarque facilement que ce type de lecture a permis à cette apprenante de développer sa compétence de compréhension à l’écrit en l’aidant à améliorer ses aptitudes en quelques compétences et connaissances textuelles spécifiques. Il s’agit de pouvoir comprendre un écrit de type comique et de genre théâtral, de découvrir et de lire le style de Molière, de saisir l’implicite humoristique de la pièce (critiquer les phénomènes sociaux, les vices humains et la bassesse morale au XVIIème siècle), de comprendre l’intrigue et le contenu d’une pièce théâtrale et d’analyser la relation entre les événements et les personnages de la pièce.[13] D’une manière générale, la lecture balayage est une méthode de compréhension à l’écrit transdisciplinaire (littérature, stylistique, énonciation...) et synthétique.Donc, l'apprenante a pu atteindre son objectif universitaire de cette séance malgré les contraintes temporelles et l'usage de l'écran pour lire au lieu du livre.


On peut saluer dans ce sens, le courage des étudiants du centre de ressources qui ont privilégié de recourir à la lecture numérique. Ces étudiants qui sont les héritiers de l'apprentissage classique en Tunisie et qui n'ont jamais utilisé l'écran à l'apprentissage auparavant, ont pu s'adapter avec de nouvelles situations d'apprentissage tout en suivant des stratégies adéquates : lire en balayage sur écran en rédigeant un compte rendu par exemple.



Conclusion

Il est vrai que la consultation d’un texte ou d’un livre littéraire en version numérique est plus facile, économique et rapide par rapport à sa consultation en version papier puisque ces TICE ont favorisé le commencement d’une révolution numérique dans les universités à cause de la facilité et de la rapidité de l’accès à l’information.


Néanmoins, en Tunisie l’enseignement – apprentissage de la lecture dans les départements de français est encore classique vu que seulement quelques étudiants de première année licence fondamentale qui suivent le module optionnel de centre de ressources et qui ont eu l’occasion de lire sur écran en contexte d’apprentissage (œuvres littéraires ou hors programme). Tous les autres modules sont plutôt, des modules permettant le développement des expressions écrite (grammaire, linguistique, etc) et orale (phonétique, expression orale, etc).


Avec ces maladies physico-psychiques, le recours à une consommation modérée de l’information numérique et à une lecture des livres papiers soit impératif. En revanche, il ne faut jamais nier les caractéristiques positives de la lecture numérique qui a facilité la tâche de la lecture par l’accès rapide à l’information, la diversité des documents et la gratuité des livres numériques.




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 [1] Technologies de l'Information et de la Communication dans l'Education.

 [2] Formation Ouvertes et A Distance.

 [3] PREFSUP : Projet de Rénovation du français et en français dans l’Enseignement Supérieur en Tunisie favorisant l’usage des TICE, l’approche par compétences et l’autonomie dans l’apprentissage.

 [4] On parle de la cyberclasse dans le cadre d’un apprentissage en ligne et d’un apprentissage hybride, qui est une forme d’apprentissage permettant de combiner des séances en présentiel et en ligne.

 [5] désigné aussi par E.book ou livre électronique.

 [6]  Université Virtuelle de Tunis.

 [7] « L’enjeu est donc de définir ce que l’entend par compréhension : soit la définition est large et la compréhension est entendue comme une compétence générale du cerveau humain, ce qui implique que la compréhension des textes entre, au même titre que tout autre acte de compréhension, dans cette compétence, soit il y a une compétence spécifique de l’acte de lire, autonome, quoique liée à la compétence générale. », (Maisonneuve, L.,  2002, p.59).

 [8] « Et la compréhension mobilise des facultés de saisie précoces, mais également de généralisations (c.-à-d. ; produire des règles). Comprendre, c’est déjà théoriser, en quelque sorte. Bien entendu à côté de mécanismes de ce type d’autres tensions interviennent (motivations, contexte, débouchés, etc.). », (Elimam, (A.), 2003-2006, p.81).

 [9]« Comment lisons-nous ? Dans son livre sur l’histoire de la lecture, Alberto Manguel, nous rappelle qu’il y a autant de façon de lire qu’il y a d’individu et que chaque lecture que nous faisons est une appropriation personnelle d’une œuvre. Les sociologues de la lecture, comme Chantal Horellou-Lafarge et Monique Sergé ne nous disent pas autre chose, quand elles rappellent la diversification des pratiques de la lecture-qui varient selon le sexe, le milieu social, le niveau d’instruction [...] Non seulement les conditions de lecture sont différentes [...], mais la façon de lire est différente (lecture plaisir, lecture recherche)...», Article à consulter sur l’URL : http://lafeuille.homo-numericus.net/2009/03/quest-ce-quun-livre-a-lheure-dunumérique.html

 [10] Facultés des Lettres et Sciences Humains de Sfax.

 [11] Stage en tant que native et conseillère aux étudiants du centre de ressources de la F.L.S.H.S. réalisé en 2011 dans le cadre d’un état des lieux sur le niveau d’entrée et de sortie des étudiants inscrits au module d’autoformation. Les résultats étaient présentés dans un mémoire de mastère intitulé « Développement des compétences écrites en autoformation » sous la direction de Monsieur Noureddine Gargouri.

 [12] Les initiales du nom des l'apprenante anonyme sont A.R. Elle est inscrite au deuxième groupe de licence fondamentale en Langue, Littérature et Civilisation française.

 [13] « - Demander de différencier les dialogues dans ...les textes de théâtre...
- Demander de reconnaître les caractéristiques des personnages par leur usage de la parole...
- Demander de saisir le thème et le propos global d’un texte. » Bacha, (J.) et al, 2008, p.15.


Pour citer cet article:

Fatma FAKHFAKH, « La lecture littéraire en mode numérique dans l’apprentissage : (Exemple des centres de ressources) », DIDACTIQUES « littérature et enseignement/apprentissage de la langue : des relations au gré des évolutions historiques et des représentations méthodologiques » N°9 Janvier-Juin 2016, [ http://www.univ-medea.dz/ldlt/enligne.html ], pp.103-122




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